Meeting Anasse Kazib 2022

« Anasse est une voix vivante des victimes de la police, des opprimés et des précaires » Assa Traoré

Assa Traoré

« Anasse est une voix vivante des victimes de la police, des opprimés et des précaires » Assa Traoré

Assa Traoré

Assa Traoré, principale du figure du comité vérité et justice pour Adama et militante antiraciste et des quartiers populaires, intervenait au grand meeting de lancement de la campagne d’Anasse Kazib 2022. Entre retour sur l’histoire des luttes partagées avec Anasse et son combat pour que justice et vérité soit rendues à Adama, Assa a tenu à porter un message d’espoir et un appel à continuer nos mobilisations jusqu’à la victoire.

Crédit photo : O phil des contrastes

Si je suis venue ce soir ce n’est pas pour participer à une élection présidentielle. Le Comité Adama ne participe pas aux élections présidentielles. Je suis présente pour Anasse qui depuis cinq ans est à nos côtés. Notre histoire commune a commencé avec une mobilisation, celle des Onet. Déjà alors, Anasse s’était fait le porte-voix et le premier soutien de ces agents d’entretien de gare en lutte.

C’est donc sur un piquet de grève que j’ai rencontré Anasse et que pour la première fois nous avons lutté ensemble. Avant toute chose et de commencer mon discours, j’aimerais rendre hommage à ces travailleurs d’Onet qui sont présents ce soir et que je revois avec beaucoup d’émotion. Ces hommes et ces femmes, ce sont les collègues de ma mère avec qui elle a lutté et fait grève. Cinq ans après ils sont toujours là et Anasse aussi. J’aimerais que vous les applaudissiez. Ils le méritent.

Ce ne sont pas eux qui se présentent aux élections présidentielles mais ils peuvent être fiers d’eux et de leur combat. C’étaient nos parents, c’était ma mère. Pour nous, leurs enfants, ils ont été le symbole de quelque chose et un vrai motif d’espoir. Ils nous ont prouvé qu’ils étaient des combattants et qu’ils pouvaient se battre jusqu’à la victoire.

Anasse, je souhaiterais te remercier pour l’homme que tu es, pour la voix que tu portes et ta détermination dans chaque combat. Cela fait cinq ans que nous nous sommes rencontrés et cinq ans que tu te bats. Quand je viens ce soir c’est pour ce que tu représentes. J’espère sincèrement que ta voix pourra être entendue dans ces élections et qu’elle continuera à se faire la transmission de toutes ces luttes comme c’est le cas depuis plusieurs années.

Si je suis là aujourd’hui, si je suis devenue ce que je suis, c’est uniquement parce que mon petit frère est mort. Parce que le 19 juillet 2016, le jour de son anniversaire, le jour de ses vingt-quatre ans, il a été tué. Cinq ans après, nous continuons à réclamer vérité et justice et en cinq ans j’ai rencontré énormément de monde, de soutiens et de causes. Ces cinq ans ils sont devant moi aujourd’hui, vous êtes le visage de ces cinq ans de lutte.

Vous pouvez être fiers de vous. Si vous êtes là ce soir, c’est que vous aussi vous êtes porteurs d’espoirs et de combats. Vous êtes devenus des soldats malgré vous qui se battent pour la liberté et la dignité et que cela fasse par la voix d’Anasse, c’est une fierté pour nous tous. Ce soir ce n’est pas juste le meeting d’Anasse, c’est le meeting de cinq ans de lutte que nous avons traversé ensemble. C’est cela qu’il faut nous emmener le plus haut, mettre en avant et valoriser et c’est ce qu’Anasse va porter aux élections présidentielles. Anasse nous serons à tes côtés pour aller chercher les cinq cent signatures.

Quand je suis arrivée ce soir, c’est avec beaucoup d’émotion que j’ai dit à Anasse : « il y a tellement de monde ce soir, c’est beau. C’est le fruit de ce luttes ». Peu importe les actions et évènements auxquels participe le Comité Adama, nous pouvons être certains d’une chose : Anasse sera à nos côtés. Il l’est à chaque fois. Quand je me fais attaquer sur les réseaux, quand ma famille se fait attaquer, Anasse est présent pour nous défendre. Nous n’avons pas besoin d’appeler, nous ne demandons rien mais Anasse et Révolution Permanente sont toujours au rendez-vous. Cela s’appelle de la loyauté, de la persévérance et de la détermination. Ce soir la confiance que nous te portons, ce n’est pas seulement des mots, c’est le fruit de ce que tu nous as prouvé depuis cinq ans. Il est important que ta voix puisse être entendue et que nous soyons portés par elle. J’espère sincèrement que tu iras jusqu’au bout de ce combat.

Si nous sommes tous ici ce soir, c’est que nous nous battons pour l’égalité chacun à notre niveau. Je me bats pour que justice et vérité soit rendues à mon frère mort le jour de ses vingt-quatre asphyxié entre les mains de trois gendarmes et qui ne sont toujours pas mis en examen. C’est la première fois en France dans une affaire de violence policière qu’il y a autant d’expertises. Nous en sommes à treize expertises dans l’affaire Adama Traoré, des françaises, mais aussi des belges, des new-yorkaises, des brésiliennes, des italiennes et des allemandes. Cette bataille juridique parce que nous la faisons au nom d’Adama Traoré, c’est contre tout un système que nous la menons. Contre ces fausses expertises derrière lesquelles se cachent des juges et qui concluent à des non-lieux et à des dossiers qui ne sont jamais jugés. C’est ce système-là, autoritaire et répressif, qu’il faut dénoncer et contre lequel nous devons nous battre. Parce lorsqu’on lutte pour réclamer la vérité et la justice en France, il n’hésitent pas à détruire des familles entières.

La Famille Traoré a perdu un petit frère le 19 juillet. Nous ne nous étions pas préparés à cela, jamais nous ne nous étions dit qu’un jour nous perdrions un des nôtres. Parmi les autres familles de victimes présentes ce soir, personne n’a pu s’imaginer perdre un fils, un mari ou un enfant. Le jour où mon frère est mort, une machine terrible s’est mise en place. Une machine de guerre sans sentiment ni état d’âme ou remords qui va immédiatement criminaliser mon petit frère. Cette machine de guerre elle va envoyer tous mes frères en prison à l’instant où nous sommes levés pour la vérité et la justice. Entre 2018 et 2019 j’ai été le seul enfant de ma mère en liberté. Cette année au mois de juillet mon petit frère Bagui a été acquitté après cinq années d’incarcération. Il risquait plus de trente ans pour tentative d’assassinat sur gendarmes. Nous nous sommes battus pour la libération de Bagui, nous avons toujours clamé son innocence. Ce qui est arrivé à mon petit frère, c’est ce qui se joue systématiquement dans les prisons en France. Aujourd’hui mon frère est sorti, mais il faut le dire, il est allé en prison parce qu’il était le témoin principal dans l’affaire Adama Traoré.

Quand on se bat pour la justice et la vérité pour Adama Traoré, c’est une femme noire, une mère de famille de trois enfants qui est attaquée. Je pense être la femme des quartiers populaires sur laquelle pèsent le plus de mises en examen. Deux nouvelles me sont encore parvenues dernièrement pour diffamation suite à une énième plainte des gendarmes qui ont tué mon petit frère. Mais nous ne lâcherons pas, nous continuerons à nous battre. Cette lutte ce n’est plus seulement celle de la famille Traoré, c’est tout un système que nous dénonçons. Mon frère ne reviendra plus, par contre nous sommes les voix vivantes d’Adama Traoré, de toutes les personnes mortes entre les mains de la police, de toutes celles qui vivent dans l’oppression et la précarité. Anasse, tu fais partie de ces voix vivantes.

Lorsque nous avons marché dans la rue le 2 et le 13 juin ce n’étaient pas seulement le Comité Adama et les quartiers populaires, c’était la France entière, celle des centre-ville, de tout horizon, couleur, origine, religion ou orientation sexuelle. Anasse tu étais à nouveau à nos côtés en première ligne. Cette France-là quand elle sort dans la rue, elle vient pour réclamer l’égalité et refuser d’être spectatrice du racisme. Vous qui étiez là ce jour-là et qui êtes là ce soir auprès d’Anasse, vous êtes rentrés dans l’histoire, celle des combats. Vous pourrez dire que vous avez pris votre part pour changer le monde, pour transformer nos vies. Ce soir il est important que nous nous disions que nous ne sommes pas là uniquement pour le meeting d’Anasse et pour un homme déterminé et juste et au côté de qui je me tiens avec fierté, mais parce que nous sommes des soldats pour un monde meilleur. Nous ne laisserons pas l’extrême-droite gagner. Il y a des noms que je ne citerai pas ici ce soir, pour ne pas leur donner l’honneur d’apparaître au côté de mon frère mais ils ne vaincront pas.

Nous continuerons à nous battre parce que nous avons des enfants, parce qu’il y a peu c’était le 17 octobre et la commémoration du massacre des algériens. A ceux qui me disent cela ne sert à rien de se battre, de se présenter aux présidentielles, je leur réponds : si nos anciens n’avaient lutté nous serions encore au temps de l’esclavage et des colonies. Tous ensemble, femmes, hommes, blancs noirs, de toutes les couleurs, nous sommes ce soir encore ensemble parce que nous allons nous battre. C’est ce flambeau que nous allons porter jusqu’à la victoire et la justice. Anasse tu fais partie de ceux qui le tiennent.

Dans cette salle, je vois des visages de famille de victimes qui se battent à nos côtés. Il est important qu’aujourd’hui nous leur donnions un mot d’espoir. Anasse tu étais à leurs mobilisations et j’aimerais, si vous me le permettez, qu’ils viennent à la tribune à nos côtés parce que nous menons le même combat. Je souhaiterais également que les grévistes d’Onet les rejoignent. Si on devait appeler toutes les personnes pour lesquelles tu t’es mobilisé Anasse il n’y aurait pas assez de place, mais il est juste que ces familles partagent la tribune avec moi, parce que lorsque nous nous battons c’est pour toutes ces familles, c’est la même souffrance à chaque fois.

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