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Anasse au camp Youth For Climate : « Ce ne sont pas les bourgeois qui meurent de la crise climatique »

Anasse Kazib a été invité ce samedi par Youth for Climate Paris pour assurer un atelier sur la luttes des classes et le syndicalisme au "Camp Climat" à Paris. Après 4 ans où se sont enchainées des séquences de lutte des classes aiguë, et alors que nous sommes confrontés à une crise économique et sanitaire sans précédents, il y revient sur le rôle que pourraient et devraient jouer les travailleurs pour mettre à bas ce système.

Anasse Kazib

28 septembre 2020

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« Au début on m’avait proposé de faire une discussion sur le syndicalisme dans la période, étant syndiqué, je trouve que ce n’est pas très intéressant. Je me suis dit qu’on pouvait faire une discussion un peu globale dans la période, c’est-à-dire de cette question qui nous turlupine toutes et tous, c’est-à-dire à quel moment ça va péter et comment on va s’organiser. »

« On a une période où il y a une crise sanitaire d’ampleur, une crise économique en train de s’accélérer notamment en France. L’UNEDIC a expliqué par exemple que dans le premier semestre il y a eu 700 000 chômeurs de plus, et d’ici la fin de l’année, on va connaître d’un million à un million deux cent mille chômeurs de plus. »

« On est en train de vivre quasiment depuis quatre ans un retour de l’ensemble des secteurs dans la rue. En 2016, on avait notamment la jeunesse à travers les universités bloquées, tout le secteur des bastions du mouvement ouvrier, et notamment dans le secteur privé dans la métallurgie, et Nuit debout à côté. En 2018 on a eu ce qu’on qualifie du mouvement le plus subversif de la Ve république, à savoir le mouvement des GJ, qui a frappé tout le monde par sa spontanéité et sa radicalité. Ce mouvement il était composé non pas de personnes dont la bourgeoisie avait l’habitude de voir la réaction mais de toute une couche de la société, la classe moyenne paupérisée, de femmes précaires, de mères isolées. »

« On a vu toute cette société-là. En fait, c’est cette société hétérogène, ces prolétaires, mais aussi parce qu’il y avait des petits indépendants. Il y avait aussi des petits patrons qui, souvent, avaient plus le rôle de salariés précaires parce que beaucoup disaient qu’il n’arrivait pas à se dégager un SMIC et qu’il était à faire des heures pas possibles. »

« Moi, j’étais dans le mouvement des gilets jaunes. La première fois, c’était le 24 novembre. Pour moi, c’était un honneur d’être là le 1er décembre sur l’avenue des Champs-Élysées, de voir que d’un côté, il y avait “les gilets jaunes triompheront” et de l’autre côté, “justice et vérité pour Adama”. C’était une combinaison assez intéressante, surtout dans une période où on disait que les gilets jaunes, c’était que des fachos et des petits patrons. »

« D’un autre côté, on avait toute cette gauche réformiste et petite bourgeoise qui n’était pas habituée à connaître des mouvements aussi radicaux et spontanés. Et d’un autre côté on avait aussi une bureaucratie syndicale, qui perd de son hégémonie. Et cette perte d’hégémonie elle peut s’expliquer de plusieurs raisons. Il faut comprendre le rôle des syndicats dans les derniers épisodes de lutte de classes ces dernières années. »

« Il y avait un article dans le monde qui disait “le macronisme est un ravificateur de lutte des classes”. Entre le mouvement des GJ et la grève de la réforme des retraites qui a duré plus de 60 jours dans les transports publics, au-dessus de 95, au-dessus de 86, qu’est-ce qui fait qu’il y a autant de colère autour de ce monsieur qui était banquier chez Rothschild ? On peut ajouter l’événement historique du 2 juin et du 13 juin dernier à l’appel du comité Adama. C’est la première fois qu’on a une organisation anti-raciste venue des quartiers populaires, qui a déplacé autant de monde et qui est indépendante du régime en place. »

« Parce que pour celles et ceux qui suivent notamment et qui ont suivi un peu le mouvement antiraciste et notamment dans les années 80 autour de la Marche des Beurs, etc. autour de SOS Racisme, savent que SOS Racisme, c’est le Parti socialiste, c’est à dire c’est le régime en place. Et c’est la première fois qu’on a eu un collectif, une organisation, des quartiers populaires, sans appareil, sans personne derrière, qui a réussi à déplacer énormément de jeunes des quartiers populaires, mais également des jeunes de l’extrême gauche parisienne, des lycéens, des étudiants, des facultés, etc. qui se sont liés notamment sur la question de Justice et vérité pour Adama et qui se sont aussi émus de la mort de George Floyd et de la manière dont les Noirs sont traités en France et ailleurs, et ça, c’est quelque chose qui était important ; C’était important aussi de voir que Castaner, il n’a pas dit un seul un mot vis à vis des gilets jaunes et que les deux manifestations du comité Adama obligent Castaner prendre position sur l’état de l’institution policière. Moi, je le dis au demeurant, l’institution policière est une institution coercitive de l’État bourgeois. Je vous donne un exemple, moi, je suis cheminot, et ma ministre c’était Élisabeth Borne. Il y a quatre fonctions principales dans la fonction publique : il y a les transports, il y a l’Éducation nationale, la santé et tout ce qu’il y a à faire au ministère de l’Intérieur. »

« Les quatre secteurs que je vous ai cités, il y en a un dont le ministère est toujours debout et est toujours le principal porte-parole des gens qui sont en dessous de lui, à savoir l’institution policière et l’institution pénitentiaire. Agnès Buzyn n’a jamais parlé correctement et n’a jamais été du côté du personnel de la santé. Elisabeth Borne n’a jamais été du côté des cheminots et de la RATP, et elle nous traite même de salauds, de grévistes et de preneurs d’otages. Et au niveau de l’Éducation nationale, le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas Jean-Michel Blanquer qui soutient l’Éducation nationale et les professeurs. Mais qu’est ce qui fait que cette institution-là, elle a aussi un rôle ? Lénine disait une phrase qui, pour moi, résume ce que c’est. Il disait que l’Etat bourgeois repose sur deux institutions centrales. La première, c’est l’institution policière et la deuxième, c’est l’institution carcérale. »

« Qu’est ce qui fait qu’ils ont réprimé autant les mouvements des jeunes, les quartiers populaires, les cheminots et les agents de la RATP ? Il y a un bourgeois par excellence, Raymond Soubie a dit en 2017 à Macron : Attention, avec votre politique vous allez vous couper des corps intermédiaires, c’est-à-dire les syndicats, et vous allez vous retrouver avec une base complètement radicalisée du fait que vous avez décrédibilisé ceux d’en haut. Et c’est ça qui fait qu’aujourd’hui, il y a des Gilets jaunes qui disent qu’ils sont asyndical, et donc qu’ils sont contre la négociation du poids des chaînes. Nous on disait ça pendant la réforme des retraites, qu’on n’avait pas besoin de Berger parce qu’on n’était pas des moutons. Les Gilets jaunes ils ne veulent pas justement que leur mouvement soit récupéré par les directions syndicales, ces mêmes directions qui ont dénoncé le mouvement des Gilets jaunes et leur violence le 6 décembre. »

« Le mouvement des Gilets jaunes il a eu un impact au-delà de sa massivité, et notamment au niveau de la bourgeoisie. Il faut savoir que le 7 décembre, Brigitte Macron visite le bunker de l’Élysée car elle entend que des plans d’évacuation des égouts autour du quartier de l’Élysée circulent parmi les Gilets jaunes. Ils ont mis plus de 2500 policiers autour du quartier de Matignon. Et si ce n’était pas suffisant, on apprend en plus que l’hélicoptère présidentiel stationnait dans la cour de l’Élysée pour pouvoir exfiltrer Macron si besoin. »

« Mais le mouvement des Gilets jaunes il aura impacté à l’international aussi, en Équateur, en Algérie, au Liban. Il a participé du retour de la lutte des classes à l’international. Aujourd’hui, on vient de vivre une crise sanitaire d’ampleur et les bourgeois peuvent plus cacher le rôle de la première ligne. Dominique Seu, éditorialiste bourgeois, a dit : “on se rend compte dans cette période de confinement, à quel point ce sont les plus précaires qui sont les plus nécessaires à la survie de l’humanité. Bruno Le Maire annonce une prime de 1000 euros, mais c’est une prime dérisoire, c’est une revalorisation des salaires qu’il va falloir.” Et s’il dit cela, c’est parce qu’il est conscient du rôle de la classe ouvrière. Et pendant le confinement, on a vu aussi les violences policières, les violences sexistes et sexuelles. On a vu comment le confinement et la crise sanitaire ont touché les gens de manière inégalitaire. Mon voisin il me disait que dans le bâtiment, on avait perdu 10 darons. Et à côté, les bourgeois se sont réfugiés dans leurs maisons de vacances. Et tout ça c’est important pour voir la suite. »

« On a vu que ce système capitaliste et bourgeois, il nous envoie à la dérive toutes et tous. On a appris que si on ne meurt pas des guerres impérialistes pour les intérêts des bourgeois, on finit par mourir des crises climatiques. Le climat ne s’autodétruit pas, on le détruit. 57% des émissions de gaz à effets de serre sont l’effet de l’agrobusiness. 71% du fait que l’écosystème dans les mers soit vide et détruit est l’effet de la surproduction et de la surpêche notamment. Il y a des buildings à Dubaï qui sont vides, qu’on construit en allant raser des îles en Malaisie, et qui sont climatisés alors qu’ils sont vides. Ce ne sont pas les bourgeois qui meurent de la crise climatique, ce sont les prolétaires, ceux d’en bas. L’ouragan Katrina, aujourd’hui, fait qu’il y a des milliers de personnes qui n’ont toujours pas d’endroit où habiter. Et si ce n’est pas les guerres ni les crises climatiques, aujourd’hui on peut aussi mourir d’une épidémie. Et si cela n’était pas suffisant, on voit que le capitalisme finit par nous envoyer dans la pauvreté. On est dans la 6e puissance mondiale et il y a 9 millions et demi de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté, 6 millions et bientôt 7 millions de chômeurs, 200 000 SDF, et des jeunes qui font la queue devant la fac de Paris 8 pour demander des aides alimentaires. »

« Maintenant, quelle est la suite ? On a vu les licenciements, on a vu les entreprises qui ferment comme Bridgestone, et après on voit 5 milliards pour Renault, 4 milliards pour Bridgestone… Qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui il n’y a pas de révolte ? Aujourd’hui, on est dans une période où le gouvernement a appris de ses erreurs et notamment du conseil de Raymond Soubie de ne pas se couper des corps intermédiaires. Et le meilleur exemple c’est le Ségur de la santé, où les soignants on les a complimentés de héros et le Ségur c’était qu’une mascarade, une insulte pour eux. Dans la prochaine période, les secteurs du mouvement ouvrier, la jeunesse, la fonction publique, les Gilets jaunes, ont la nécessité de s’organiser par en bas ensemble et d’avoir un programme, une stratégie qui ne réclament pas seulement le RIC ou une augmentation des salaires, mais qui leur réclament tout. Aujourd’hui, il faut être fier d’être des prolétaires, fiers de lutter pour l’ensemble des exploités et des opprimés. C’est une des plus belles tâches qui puissent nous animer dans la prochaine période. »


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