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Hirak !

Algérie. Réprimés par la police, les grévistes de Numilog appellent à la grève générale à Béjaïa

Depuis le mois de juillet 2020, les travailleurs de Numilog à Béjaïa s’opposent à leur patron qui, après leur avoir refusé le droit syndical, pourtant garanti par la constitution, a décidé de licencier les 196 grévistes. Et ce malgré les 13 décisions de la justice en faveur de la création d’une section syndicale et leur réintégration. Face à la répression et à ce mépris, l’union syndicale locale appelle à la grève générale le 21 avril.

Irène Karalis

14 avril 2021

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Un ouvrier en grève de Numilog a été gravement blessé par la police ce mercredi 14 avril. Crédit photo : Facebook PST Bejaïa

Le 6 juillet 2020, à Béjaïa, les travailleurs de Numilog, filiale de l’entreprise agroalimentaire Cevital, se mettaient en grève, entamant un des plus longs conflits syndicaux de la région depuis quelques années. Si le mouvement est parti du refus de la direction de reconnaître la création d’une section syndicale ainsi que des mauvaises conditions de travail et de l’amélioration des salaires, le conflit a rapidement pris une tournure démocratique, et notamment contre la répression. En effet, en plus de refuser de reconnaître la section syndicale, la direction a refusé de recevoir les délégués syndicaux démocratiquement élus par les salariés et a d’abord licencié trois délégués syndicaux et poursuivi en justice trois autres travailleurs. Elle a par la suite décidé de licencier simplement tous les grévistes, au nombre de 196, et de réintégrer ceux qui dénonceraient leurs collègues et se démarqueraient du syndicat.

Face à ces méthodes de patron-voyou, les travailleurs de Numilog ont déposé plainte au tribunal de Béjaïa pour licenciement abusif. Au total, depuis le mois d’août, 13 verdicts ont été rendus par la justice, tous positifs pour les travailleurs, reconnaissant la légitimité de leur grève et demandant leur réintégration ainsi que le respect du droit syndical. Pourtant, la direction refuse d’appliquer ces décisions, montrant à quel point le patronat algérien est au-dessus des lois ainsi que le caractère autoritaire de la bourgeoisie algérienne.

Issad Rebrab, digne représentant de la bourgeoisie algérienne

À la tête de l’entreprise Cevital qui méprise les travailleurs de Numilog, Issad Rebrab, grand magnat de l’industrie algérienne, qui a fait sa fortune grâce à la bureaucratie d’État, en particulier pendant la décennie noire. Sa carrière d’expert-comptable lui a permis de tisser des liens avec le secteur de la métallurgie qui lui ont par la suite permis de bénéficier de contacts privilégiés avec des membres du gouvernement, notamment au ministère de l’industrie. Aujourd’hui, l’entreprise Cevital bénéficie d’un quasi-monopole sur les produits de grande consommation tels que le sucre et l’huile. Par ailleurs, Issad Rebrab a racheté le groupe d’électroménager français Fagor Brandt en 2014, en laissant 600 des 1800 salariés sur le carreau, sous l’œil bienveillant d’Emmanuel Macron, à l’époque ministre de l’économie.

Comme nous l’écrivions dans un précédent article, Macron et Rebrab « s’accordent sur le projet libéral qui veut privatiser le secteur public algérien et faire de l’Algérie une réserve de main d’œuvre à bas prix, au mépris des conditions de travail et de vie des algériens. La bourgeoisie incarnée par Issad Rebrab n’est rien d’autre que le cheval de Troie de l’impérialisme qui souhaite reconquérir les quelques espaces perdus lors de la guerre d’indépendance et que l’infitah ("l’ouverture", période de libéralisation post années 1980) n’a pas réussi à lui offrir. »

Face à la répression et au mépris de la direction, la solidarité ouvrière comme arme

Malgré les tentatives d’intimidation de la part de la direction et les menaces de licenciement, les travailleurs de Numilog n’ont pas cédé et ont tenu tout le long du conflit, et ce malgré la suspension des salaires. Grâce à leur détermination, à leur cohésion et à la gestion démocratique du mouvement, ainsi qu’au soutien de la population locale, les grévistes tiennent depuis juillet dernier, ponctuant le mouvement d’actions pour faire vivre le mouvement.

Le 30 mars, ils ont ainsi organisé un sit-in nocturne devant le palais de la justice de Béjaïa pour réclamer l’application des décisions judiciaires. Ce mercredi 14 avril, ils ont renouvelé cette action, organisant un rassemblement de solidarité devant le palais de justice. Là-bas, ils ont dû faire face à la répression : 6 travailleurs ont été interpellés, un travailleur a été gravement blessé par la police et risque de perdre son œil. Face à la répression et au refus de la direction de répondre à leurs revendications, l’union locale de l’UGTA (l’Union Générale des Travailleurs Algériens) a lancé un appel à la grève générale pour le 21 avril ainsi qu’à un rassemblement devant le siège de la justice puis à une marche dans la ville de Béjaïa.

La lutte des travailleurs de Numilog s’inscrit dans un contexte de montée des luttes sociales et des grèves ouvrières. Depuis le mois de septembre 2020, on assiste en effet à des grèves dans plusieurs secteurs, où les travailleurs ressentent et se battent contre les répercussions de la pandémie.


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