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L’Inter-LGBT mise en cause

Agressions transphobes à la Pride : « On nous dit de laisser couler mais c’est ce qu’on fait toute notre vie »

Plusieurs agressions, notamment des agressions transmisogynes, ont eu lieu lors de la marche des fiertés du 26 juin. Les victimes mettent en cause la faiblesse du service d’ordre de l’Inter-LGBT, organisatrice de la marche, et ses positions politiques trop peu tranchantes.

Matthias Lecourbe

19 juillet 2021

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Crédits photo : O’Phil des Contrastes

Le 26 juin a eu lieu la Marche des fiertés, organisée comme tous les ans par l’Inter-LGBT, un collectif d’associations et d’organisations aux positionnements politiques divers et variés. La semaine précédente avait eu lieu une Pride radicale, organisée indépendamment de l’Inter-LGBT, sur des bases ouvertement antiracistes et anticapitalistes. Elle refusait notamment la présence de chars de la police ou d’Air France dans la manifestation, en raison de leur rôle dans la répression des migrants par l’État. Poussée sur sa gauche par cet évènement, l’Inter-LGBT a adopté cette année des mots d’ordres plus politiques, mais cela n’a pas pour autant empêché des femmes d’être agressées par des hommes sexistes et transmisogynes pendant la manifestation, ou un cortège transphobe de s’insérer dans la manifestation, forçant des femmes trans à intervenir et à se faire interpeller par la police qui protégeait les militants transphobes. Sur la base des témoignages des concernées, Révolution Permanente revient sur la journée du 26 juin et sur les conséquences politiques de ces agressions.

L’inter-LGBT a été largement soutenue face aux critiques qui lui ont été adressées. Elle se défend en arguant d’alertes à la bombe qui auraient désorganisé le service d’ordre, pourtant dès le départ très largement insuffisant pour encadrer une manifestation d’une telle ampleur, puisqu’il ne comptait qu’une centaine de volontaires pour au moins 30 000 personnes, selon la préfecture de police.

Révolution Permanente a reccueilli les témoignages d’Élie et Olivia du Front de Libération Transfem (FLIRT), qui ont été victimes d’agressions misogynes et transmisogynes à la marche, et de Carol, témoin de l’interpellation de Sasha par la police, toutes deux membres fondatrices de XY média alors qu’elles tentaient de confronter un cortège de militantes TERFs (transphobes instrumentalisant des arguments féministes pour porter des discours de haine). Cortège qui n’a d’ailleurs pas été interpellé par le service d’ordre de l’Inter-LGBT, et qui a été protégé par la police.

Olivia est une femme cis (non trans) qui a été victime d’agressions misogynes de la part d’hommes ne participant pas à la marche au long du Boulevard Magenta. Elle a retrouvé Élie place de la République et a encore subi du harcèlement sexuel de la part d’hommes ne participant pas à la marche. Élie a fait signe aux hommes de s’en aller, ils se sont retournés, se sont montrés menaçants et ont tenu des propos transphobes. Elle a alors répliqué en leur jetant le contenu de sa bière et le premier coup est parti, lui cassant le nez. Élie et Olivia tentent de se défendre mais se rendent rapidement compte qu’Élie a le nez cassé et elles s’éloignent, particulièrement révoltées qu’une telle scène qu’elles décrivent comme malheureusement habituelle ait pu se produire sous les yeux d’une centaine de témoins participant à la Pride, dont la seule réaction a été de leur conseiller de « ne pas laisser ces connards gâcher leur moment », alors même qu’elle avait déjà le nez cassé.

Elle décrit un quotidien fait d’agressions fréquentes dans l’espace public, et le danger qu’elle encourt lorsqu’elle choisit de répondre plutôt que de baisser la tête face à la haine transmisogyne : « On nous dit de pas répondre et de laisser couler mais c’est ce qu’on fait toute notre vie, on ne peut pas répondre à tout, parfois juste ça déborde et on est obligée, mais on ne peut pas répondre à tout, et après on se demande pourquoi les meufs trans se suicident… parce qu’on répond pas et qu’on peut pas parce qu’on se met en danger, on n’a pas les moyens de répondre, parce que personne nous défend, parce qu’on est toujours toutes seules. ». La police a en effet été prévenue par les secours et ne s’est jamais rendue sur place et n’a donné aucune suite au signalement.

Carol et Sasha de XY Média décrivent le même sentiment d’absence de solidarité envers les personnes trans : elles ont été averties de la présence d’un cortège TERF en tête de la marche. Elles semblaient être restées près de 30 minutes à côté d’un cordon de policiers et de fourgons de CRS. Sasha s’est avancée pour déchirer une banderole portant l’inscription « les lesbiennes ont besoin de féminisme pas de transitions mutilantes », qui assimile donc les hommes trans à des lesbiennes refoulées, à des femmes qui ne s’assument pas ; en somme, une rhétorique transphobe. La police est immédiatement intervenue et a interpellé Sasha, qui a publié son témoignage sur Youtube.

Elle a dû subir une palpation de la part d’un policier de sexe masculin puis un relevé d’identité dont on ne sait ce qu’ils feront. Carol, en tant que témoin, s’étonne aussi qu’elles aient été les seules à réagir de toute la marche, et encore plus que quelques hommes participant à la marche aient repris les slogans des TERFs autour du cortège. Une immobilité de la foule et surtout une absence totale du service d’ordre de l’Inter-LGBT en tête de la marche qui contraste très fortement avec l’élan de soutien que Sasha et XY Média ont pu recevoir sur les réseaux sociaux à la suite de leur agression par la police.

Une telle immobilité de la foule peut s’expliquer à la fois par l’indifférence des personnes cis, qui peuvent ne pas se sentir concernées par ces agressions transphobes, mais aussi très largement par la crainte de la répression à laquelle a dû faire face Sasha de la part de la police, et du risque d’agression physique de la part de personnes transphobes auquel a été confrontée Élie dans l’indifférence de la police. Au cours de cette Pride, la police a donc protégé les transphobes et interpellé une femme trans migrante et précaire, alors même que le FLAG, l’association des policiers LGBT s’était retiré de l’organisation de la marche en raison de son départ à Pantin dans le 93, cherchant à faire croire que ce sont les personnes racisées et les habitants des quartiers populaires qui sont responsables des LGBTphobies, alors que leur nature structurelle et le rôle dans la perpétuation des oppressions de la police s’est rendu flagrant au cours de cette Pride du 26 juin.

En bâclant l’organisation de la marche dans un contexte de hausse des violences contre les personnes LGBTI et de montée de l’extrême droite, l’Inter-LGBT a de fait exposé de nombreuses personnes à des violences. La Marche des Fiertés est une manifestation regroupant des personnes exposées aux violences dans l’espace public et ne peut raisonnablement se dérouler sans le service d’ordre adapté à une manifestation aussi massive ni sans porter un ensemble de revendications politiques à même de faire reculer l’extrême droite, les LGBTI-phobies et la sur-précarisation des personnes opprimées. Ainsi, comme l’a pointé la Pride antiraciste et anticapitaliste, il n’est pas acceptable que l’Inter-LGBT soutienne et accepte la présence de chars de la police, d’Air France, de diverses entreprises et marques venues faire leur coup de comm’ à la marche des fiertés, etc.


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