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Aéro. Deuxième jour de grève chez AHG : une lutte qui exprime la colère de tout un secteur

Ce mercredi, les salariés des Ateliers de la Haute-Garonne se réunissaient en Assemblée Générale pour leur deuxième jour de grève. Face à des conditions de travail qui ne font que se dégrader, ils se battent pour une augmentation des salaires et pour leur dignité, bien déterminés à faire plier la direction.

Irène Karalis

24 juin 2021

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Mardi, les salariés des Ateliers de la Haute-Garonne se sont mis en grève face à des conditions de travail allant toujours en se dégradant et pour réclamer des augmentations de salaire à l’occasion des NAO (Négociations Annuelles Obligatoires). Alors que le secteur de l’aéronautique est un des plus touchés par la crise, les travailleurs relèvent la tête.

Dans le secteur de l’aéronautique, un massacre social

Depuis 2020, selon l’Insee, plus de 13 000 postes ont été supprimés en France dans la filière de l’aéronautique, dont 8800 dans la région du Grand Sud-Ouest (Occitanie et Nouvelle-Aquitaine). Et cela sans compter les contrats des interims non renouvelés et les suppressions d’emplois hors-PSE. À titre d’exemple, Daher décidait il y a quelques mois de supprimer 643 postes et de renvoyer 1700 intérimaires, soit un véritable massacre social, les intérimaires constituant 50% des travailleurs à l’époque contre 2% aujourd’hui. Concentrant 4900 suppressions sur les 6250 de la région Occitanie, la Haute-Garonne a été particulièrement touchée par ces suppressions d’emplois, se voyant amputée de 10% de ses effectifs salariés selon une étude de la Chambre de commerce et de l’industrie du département et de la banque de France.

Ces suppressions massives de postes dans le secteur s’inscrivent dans la droite lignée de la première vague de licenciements initiée par les grands patrons de l’aéronautique. Prenant prétexte de la crise sanitaire et de la chute des bénéfices pour licencier à tour de bras, ces mêmes patrons n’ont pourtant jamais reçu autant d’aides de la part de l’État (7 milliards pour Air France, 15 milliards annoncés en juin dernier pour l’entièreté du secteur), qui a investi des milliards dans la filière, soutenant ainsi la vague de licenciements. Surtout, c’est cette même vague de licenciements que les bureaucraties syndicales FO, CFTC et CGC-CFE ont accompagnée, en validant le PSE historique d’Airbus prévoyant 15 000 suppressions d’emploi à échelle internationale, dont 5000 en France et 3500 dans la région toulousaine.

« On va rien lâcher » : quand les travailleurs relèvent la tête

Actuellement, le regain d’activité dans le secteur se produit sur fond de baisse des effectifs et de stagnation ou de baisse des salaires. Et cela alors que le patronat du secteur a encaissé des milliards de bénéfices ces dernières années. Où est allé cet argent qui disparaît dès qu’il s’agit des emplois et des salaires ? 

La surcharge de travail pour ceux qui restent après les suppressions d’emplois et la baisse des salaires à côté du pactole qu’encaisse du patronat du secteur est en train de poser les bases pour l’émergence de luttes revendicatives pour les salaires comme on l’a vu chez Safran, Airbus Defense&Space, Dassault et plus récemment Daher. Aujourd’hui, c’est au tour des salariés des Ateliers de la Haute-Garonne, sous-traitant aéronautique dans la région toulousaine, qui sont en grève pour leurs salaires, leurs conditions de travail et la dignité. Face à l’argument de la direction invoquant les difficultés financières, la CGT AHG a répondu de manière très claire : laissez voir à l’ensemble des salariés la comptabilité complète de l’entreprise !

Comme l’explique un des travailleurs d’AHG : « Avec la crise covid beaucoup ont fait des efforts sur les horaires, sur pas mal de choses. Le plus pénible c’est la réduction des effectifs, maintenant on se retrouve à faire le boulot de 5 personnes, avec aucune reconnaissance là-dessus, toujours le même salaire évidemment. Il y a pleins de choses qui ne vont pas ! »

Les travailleurs d’AHG avaient déjà réussi à faire reculer la direction sur un potentiel APC (Accord de Performance Collective visant à baisser les salaires) tout en démontant l’argumentaire selon lequel l’entreprise n’aurait pas assez d’argent. Aujourd’hui, ce sont les NAO (Négociations Annuelles Obligatoires) qui ont fait exploser la colère des salariés. La direction n’a pas seulement annulé une réunion de ces négociations « obligatoires », parce qu’un des patrons a choisi de partir en vacances, elle a surtout refusé d’accéder à la revendication d’augmentation salariale. Pire, la direction assume vouloir enlever une prime pour la mettre dans le taux horaire et donner l’impression que les salaires augmentent ! Et cela dans un contexte où les travailleurs font face à la dégradation de leurs conditions de travail et à l’augmentation des cadences avec moins de salariés pour y faire face, et ce après les plans de licenciements massifs, montrant bien le mépris du patronat de l’aéronautique qui est allé dans certaines entreprises jusqu’à réembaucher en intérim des anciens CDI.

Un mouvement de grève historique a donc été entamé ce mardi aux Ateliers de la Haute-Garonne qui n’a pas connu de grève depuis 1973 : plus de 80% des ouvriers de production se sont mobilisés ce mardi, ont organisé une assemblée générale et mis en place une caisse de grève pour amplifier le rapport de force face à une direction qui fait la sourde oreille et agite la menace de la suppression de la prime de production lors des jours de grève pour mettre la pression aux grévistes. Mais les grévistes restent déterminés et savent très bien pourquoi ils se battent. Nicolas, travailleur aux AHG, nous expliquait ainsi ce mercredi : « Je viens faire grève pour dénoncer un manque de considération de la part du patron, qui s’est permis de partir en vacances au moment d’une réunion importante ».

Ce mercredi, pour leur deuxième jour de grève, une deuxième Assemblée Générale a été organisée, à laquelle plusieurs journalistes et soutiens étaient présents. Raphaël, étudiant travailleur et syndiqué à la CGT Chronodrive ainsi que militant au Poing Levé et à Révolution Permanente, expliquait ainsi sa présence : « En tant que jeunes, c’est notre avenir qui se joue là, surtout pour les jeunes de Toulouse, pour qui c’est le premier bassin d’emploi dans la région ».

Anasse Kazib, cheminot et militant Sud-Rail et Révolution Permanente, et candidat à l’élection présidentielle, a adressé un message de soutien, insistant dans une vidéo sur l’importance du combat des salariés des Ateliers de la Haute-Garonne et sur la nécessité de faire le lien entre toutes les différentes luttes partielles menées actuellement.

En ce sens, dans la volonté de tisser des liens de solidarité avec d’autres salariés en lutte et faire connaître leur grève, les grévistes ont également apporté leur soutien aux travailleurs de SIAP à Bordeaux, en grève également contre la précarité et pour la dignité.

Lors de l’AG de ce matin sur le piquet de grève, les salariés ont discuté de la stratégie qu’ils voulaient adopter pour faire de leur grève une grève victorieuse. Ainsi ils ont prévu de partir en grève dure en fonction des négociations qui doivent avoir lieu le 1er juillet et espèrent avoir envoyé un message à la direction par ces deux premiers jours de grève, qui ne sont que le début de la lutte.

Contribuez et partagez massivement la caisse de grève !


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