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Réponse à Paris Luttes Info

Actions ratées, calomnies, intimidations : à quoi servent les autonomes de Tolbiac ?

Après avoir tenté à 10 un blocus de Tolbiac lundi matin et donné par-là une occasion en or à la présidence d’évacuer et fermer le centre avant une AG prévue entre étudiants et personnels, les autonomes revendiquent cette action dans un article sur Paris Luttes Info. Réponse.

Ariane Anemoyannis

9 mars 2023

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Actions ratées, calomnies, intimidations : à quoi servent les autonomes de Tolbiac ?

Crédits photo : Apogée du mouvement autonome, 2018

Les idiots utiles de la Présidence : les autonomes sabotent le début de mobilisation à Tolbiac dès le 6 mars

Christine Neau-Leduc n’aurait pas pu rêver meilleur scénario pour pouvoir fermer Tolbiac à la veille de la plus grande journée de grève que la France ait connu depuis des décennies. Après plusieurs lock-out des centres universitaires avant les vacances, la présidente devait en effet composer avec une forte contestation de sa politique répressive du côté des étudiants et du personnel, et redoutait une mobilisation importante en ce lundi de rentrée.

En particulier, la première AG depuis plusieurs semaines, appelée à midi, avait vocation à préparer la semaine de mobilisation et à faire de la fac un QG du mouvement contre Macron. Autrement dit le cauchemar de la présidence de l’université, qui à l’instar du gouvernement, reste « hantée » par le spectre d’un mouvement d’ampleur dans la jeunesse.

Mais c’était sans compter une poignée d’autonomes qui a eu la brillante idée de descendre quelques tables pour bloquer les différents ascenseurs de Tolbiac, sans que cela n’ait été voté dans aucun cadre de la mobilisation. L’opportunité était trop belle pour l’administrateur du centre : l’évacuation et la fermeture étaient annoncées dans le quart d’heure suivant l’installation de ce blocus de fortune. Une décision qui, en renvoyant chacun chez soi avec une bonne dose de cours en distanciel, prive automatiquement les étudiants et personnels d’un lieu pour se réunir et construire la mobilisation contre la réforme des retraites.

Quoi qu’en pensent lesdits bloqueurs matinaux, qui se sont empressés de « rejeter la faute » sur Le Poing Levé dans une cascade de tweets alternant entre pleurnicheries et intimidations, cette répression administrative est du seul fait de la présidence. Nous pouvons même supposer que l’évacuation aurait été de toute façon décrétée par l’administration directement après l’AG pour éviter que le centre ne soit réquisitionné et mis au service du mouvement. Seulement, pour faire face à ces lock-out le nombre fait la force, et il aurait été certainement plus simple de s’emparer de Tolbiac à plusieurs centaines d’étudiants et personnels après un vote majoritaire de l’AG.

Le blocus n’est pas une question purement technique mais un mode d’action politique

Dans un article publié le matin même dans Paris Luttes Infos, l’auteur qui revendique l’action cherche à rassurer ses troupes – « par le passé, certains blocus ont commencé à une quinzaine » – avant d’entamer un mode d’emploi de ce qu’il faut pour un blocus à Tolbiac : entrer dans l’ascenseur, monter au 9e étage, prendre des tables, les descendre, … Une réflexion particulièrement poussée qui oublie cependant une chose fondamentale : bloquer simplement un ascenseur et réaliser un blocage étudiant sont deux choses qualitativement différentes.

De fait, si n’importe qui peut effectivement descendre des chaises et des tables pour bloquer une porte, une salle, ou une cage d’escalier, un blocus de fac est loin d’être une simple question technique. Dans la tradition du mouvement étudiant, le blocus est l’action politique qui permet aux étudiants mobilisés de se réapproprier leur université et de contourner les réformes d’assiduité, qui font pression sur les étudiants et particulièrement sur les jeunes issus des classes populaires.

Car, n’en déplaisent à l’auteur du texte, ces derniers ne sont ni « aliénés » ni « frustrés » comme il les qualifie dans son billet, mais subissent le tri social et la sélection. L’objectif du blocus est donc de massifier les rangs de la mobilisation pour construire le rapport de force contre le gouvernement en entraînant largement les étudiants dans le mouvement. Mais cela implique de le construire politiquement, et pas juste en comptant sur le volontarisme de son petit groupe affinitaire, qui méprise tout ce qui n’est pas lui-même, c’est à dire beaucoup de monde.

Les bureaucrates sont ceux qui pètent les AG, pas ceux qui les investissent

Le corollaire du faible crédit donné par les autonomes au sens politique du blocus étudiant est la détestation de tout cadre d’auto-organisation, qui les empêche de décider seuls de l’avenir de la mobilisation. Si l’auteur de Paris Luttes Infos les méprise autant, c’est à la fois parce qu’il se conçoit comme une avant-garde éclairée et autosuffisante, mais aussi parce qu’il est incapable de formuler quelconque proposition politique qui convainque qui que ce soit. C’est probablement la raison pour laquelle la décision prise par les étudiants et les personnels de discuter du bilan du blocage une heure avant l’AG, dans une fac désertée, a suscité une telle panique de ceux qui espéraient, à 12h30, les renforts de leurs amis extérieurs à la fac pour avoir l’impression de représenter une force.

Pour tout autonome frustré, l’auteur de Paris Luttes Infos a la solution : il faut surveiller le décompte des voix pour pouvoir « organiser la fraude » si leur proposition n’est pas adoptée. Derrière les conseils aguerris pour saboter les votes des étudiants en AG, mettre « des claques stratégiques » aux autres militants et « prendre en otage un élu étudiant » se cache en réalité des individus terrorisés par la possibilité que les étudiants puissent décider pour eux-mêmes et par eux-mêmes des actions à mener et des revendications à porter.

Dans le mouvement ouvrier, cette fébrilité est celle des bureaucrates syndicaux à la vue d’un mouvement qui les déborde. Dans les universités, outre ce qui reste de bureaucrates et carriéristes issus des anciennes organisations de jeunesse pré-2016, elle est l’apanage de quelques autonomes qui bordélisent les AGs pour espérer éviter que la majorité des étudiants présents ne puissent s’emparer des suites de la mobilisation.

Blocage à 10 et AG à 50 : pourquoi si peu d’ambition pour le mouvement étudiant ?

Développer une mobilisation dans les universités pour se donner les moyens de véritablement gagner contre le gouvernement implique non seulement d’être un nombre considérable d’étudiants sensibles à la cause, mais cela suppose surtout que ce nombre s’auto-organise pour agir. Autrement dit, que les étudiants ne soient pas des soutiens passifs mais au contraire les protagonistes du mouvement, de son rythme et de sa radicalité.

De ce point de vue, l’article de Paris Luttes Infos et le déroulé de la journée à Tolbiac témoignent surtout du manque d’ambition des autonomes à la veille d’une journée de grève historique dans le pays. Alors que de nombreux secteurs du monde du travail préparent la reconductible et que le mouvement étudiant pourrait être un appui considérable pour mettre Macron et la bourgeoisie à genoux, les logiques minoritaires et bureaucratiques revendiquées sur Paris Luttes Info cachent mal un scepticisme érigé en stratégie par ce qu’il reste du courant autonome.

Comme en témoigne le tag particulièrement nauséabond relayé à la fin de l’article en guise de conclusion - « Quelle est la différence entre un esclave et un travailleur ? L’esclave veut s’émanciper » - cette tendance s’accompagne d’une conception profondément anti-ouvrière [1], en opposition totale avec le soutien immense de la population et de la jeunesse à celles et ceux qui font tourner la société et sont actuellement en train de sacrifier des journées de salaire pour défendre un autre avenir pour les nouvelles générations.

Un mépris de classe qui explique sans doute la haine de ces mêmes autonomes pour le collectif marxiste révolutionnaire Le Poing Levé, qui ne se cache pas de lutter aux côtés des travailleurs pour renverser le système. Après avoir été les idiots utiles de la présidence et écrit un torchon contre la tradition d’auto-organisation du mouvement étudiant, c’est à coup de calomnies contre notre organisation sur Twitter que les autonomes ont cherché à trouver une issue : Le Poing Levé, qui dénonce et se mobilise contre toute forme de répression, aurait appelé la police, la présidence, ou les deux ; travaillerait main dans la main avec des anti-blocus ; convergerait objectivement avec la Cocarde…

Des attaques aussi délirantes que paradoxales puisque les mêmes finissent par appeler à saccager le local du Poing Levé, empruntant ainsi à l’extrême-droite des méthodes qu’elle affectionne. A un stade de décomposition aussi avancé, on comprend que certains repères deviennent flous, d’où l’utilité des guides comme celui sur l’occupation de nos amis. Celui-ci n’a malheureusement pas trouvé son public, car il n’intéresse plus qu’une poignée de nostalgiques de l’occupation de Tolbiac de 2018, qui s’énervent chaque fois que la réalité leur rappelle à quel point ils sont isolés.

On peut s’en féliciter, car le mouvement étudiant mérite mieux.

Notes :

[1] Le 1er mai 2021, les militants en question s’étaient déjà fait connaître pour avoir revendiqué l’attaque de cortèges de la CGT :


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