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Accords de performance collective : un rapport révèle des détériorations profondes des conditions d’emploi

Augmentation ou flexibilisation du temps de travail, diminution des salaires, mutation géographique ou changement des conditions d’emploi : les accords de performance collective (APC) permettent d’attaquer largement les droits des travailleurs. Si les cas récents de négociation de tels accords à Derichebourg, DSI ou Valéo ont pu les faire passer pour des recours d’urgence face aux difficultés économiques, l’évaluation de ce dispositif démontre que le patronat n’a pas attendu la crise pour faire de ces accords un mode de gestion ordinaire des entreprises.

Joshua Cohn

5 août 2020

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Le Comité d’évaluation des ordonnances du 22 septembre 2017 (les ordonnances « Macron »), réuni par France Stratégie, a rendu le 28 juillet dernier un premier rapport revenant sur la mise en œuvre de ces ordonnances entrées en vigueur il y a bientôt trois ans. En matière d’Accords de Performance Collective (APC) le constat est clair, il s’agit d’un succès pour le gouvernement puisque depuis leur introduction dans le code du travail, le Comité recense déjà 371 de ces accords, conclus à un rythme constant depuis janvier 2018, alors que le nombre des accords de maintien de l’emploi (AME) et des accords en faveur de la préservation et du développement de l’emploi (APDE), prédécesseurs des APC et bien plus contraignants pour le patronat, était resté extrêmement marginal.

L’absence de contrepartie patronale au recul des droits des travailleurs est en effet ce qui rend les APC si attractifs. La seule « garantie » imposée par les textes est un abondement à hauteur de 3 000 € du compte personnel de formation (CPF) des salariés licenciés pour avoir refusé que leur soit appliqué l’accord. En plus d’être dérisoire, cette mesure devient parfaitement cynique dans un contexte d’explosion du chômage. À côté de cela, la possibilité est ouverte de discuter, dans le préambule de l’accord, des efforts que pourraient fournir les dirigeants et les actionnaires de l’entreprise. Autant dire que ces promesses, quand elles existent, n’engagent que ceux qui y croient puisque le préambule d’un accord n’est pas contraignant.

La plasturgie -industrie du plastique- est le secteur où le patronat a été le plus offensif dans la diffusion des APC. Là où le Comité de suivi dénombre 23 APC au sein de la branche, Plastalliance, l’une des deux organisations patronales de la profession, se vante d’en avoir fait conclure 51 en proposant à ses adhérents des accords « clé en main ». Cette politique anti-ouvrière exemplaire pourrait bien être suivi dans d’autres secteurs d’activité.

Enfin, si un seul argument devait suffire à invalider le discours présentant les APC comme des sacrifices nécessaires dans un contexte économique dégradé, c’est la durée de ces accords conclus à près de 75 % pour une durée indéterminée. Il ne s’agit donc même pas d’un effort temporaire demandé aux travailleurs mais bien d’une reconfiguration durable des relations de travail en faveur du patronat.
Espérer un « retour à la normale » une fois passées les turbulences économiques déclenchées par la crise sanitaire est illusoire. L’État et le patronat avancent ensemble pour reconfigurer les conditions d’emploi et rétablir les taux de profit. Les APC, aux côtés du chômage partiel de longue durée et les licenciements massifs dans le cadre de plans de « sauvegarde de l’emploi », sont l’un des outils qui seront utilisés dans les prochains mois pour redéfinir les conditions de l’exploitation capitaliste en France.

C’est un chantage à l’emploi qui se joue avec les APC, qui voudrait faire croire que pour éviter les licenciements il faudrait laisser le patronat détruire les acquis sociaux et reconfigurer les conditions d’emploi . Contre cette logique il s’agit de refuser les négociations pour « éviter le pire », auxquelles une partie des directions syndicales se livrent aujourd’hui, jouant très clairement le jeu du patronat. Bien au contraire, en lisant clair dans le jeu d’un patronat qui ne veut rien d’autre que préserver ses profits au détriment des travailleurs, il faut refuser la mise en place d’APC, et imposer un rapport de force au sein de l’entreprise, ou du secteur concerné. A l’image de ce qui a pu être fait chez Deriechebourg, une des premières entreprises à mettre en place des APC depuis le covid, où les salariés se dont mis en grève, multipliant les rassemblements et les adresses aux autres entreprises du secteur.


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