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Répression

A Toulouse, bastion des Gilets Jaunes, des perquisitions ciblent des militants d’extrême-gauche

Rapporté par Mediapart, ces coups de pressions policiers ont visé, sans aucun élément concret, des militants supposément affiliés à la mouvance autonome, alors que la ville de Toulouse constitue un bastion de la mobilisation des Gilets Jaunes.

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Des perquisitions ciblées malgré un dossier vide

L’affaire a des traits de la fameuse « affaire Tarnac. » Dossiers vides, coups de pression policiers et juridiques pour cibler des militants supposément affilés à la mouvance « anarchiste » et prétendument actifs dans la mobilisation des Gilets Jaunes. Le tout, évidemment, dans un contexte de poussée autoritaire du gouvernement, qui déploie son arsenal judiciaire (loi anti-casseurs en tête), et au sein d’une ville, Toulouse, qui constitue un bastion de la mobilisation des Gilets Jaunes.

Comme le rapport Mediapart, l’une d’entre elles, R.,, qui effectuait un baby-sitting chez G., a été interpellé pour une vérification d’identité alors qu’elle était descendue fumer dans la rue pour observer une interpellation par des policiers. Refusant de donner son ADN, R. est placée en garde et vue et présentée à un juge d’instruction, Élodie Billot – soit, comme le rappelle Mediapart, « l’un des deux magistrats qui, en janvier 2018, avaient rendu une ordonnance de non-lieu dans le dossier de la mort de Rémi Fraisse à Sivens. »

Quatre jours plus tard, deux perquisitions sont menées simultanément chez R.et chez G, qui découvre avec stupeur que les policiers avaient commencé, note Mediapart, à s’attaquer aux serrure de la porte de l’appartement, avant de mener pendant plus d’une heure une perquisition (avec saisie de tout le matériel informatique) ; la procédure sera sensiblement la même chez R., des chiens ayant en plus été déployés pour l’occasion.

Le résultat ? Rien. Si ce n’est un coup de pression contre des militants aux liens supposés avec l’extrême-gauche, en pleine poussée autoritaire du pouvoir. En effet, « Les éléments résultant des perquisitions n’ont pas à ce jour donné lieu à mise en examen supplétive ou à des mises en examen d’autres personnes. L’instruction se poursuit », a déclaré le procureur Dominique Alzeari, dont les propos sont rapportés par Médiapart.

Cibler l’extrême-gauche dans un bastion de la mobilisation

Au vu des éléments du procès-verbal diffusés par Mediapart, il semble bien qu’une simple supposition d’appartenance à un l’extrême-gauche suffise à justifier une interpellation. Ainsi, explique le journal, les « sacs volumineux » portés par le groupe de 7 personnes «  présentant les caractéristiques des membres de l’ultragauche (...) s’avèreront dissimuler des duvets et des « denrées alimentaires sans intérêt ». Mais peu importe, le procès-verbal explique que : « Au vu des éléments de contexte, des renseignements recueillis et du profil de certains interpellés depuis les 12 samedis de manifestations toulousaines, il est permis de penser que les activistes d’ultragauche et des mouvements anarchistes constituent le noyau des casseurs “black bloc” et semblent constituer les leaders du mouvement insurrectionnel. »

R. a en effet été mis en examen pour le très vague motif d’ « associations de malfaiteurs », le manque de preuve est accablant ; et le peu de ressources mobilisées pour justifier l’interpellation est constitué principalement de « notes blanches », des notes, anonymes et non datées, contenant des extraits de rapports de policer ou de renseignement, ciblant spécifiquement des individus.

« Les notes blanches, écrivent Foegle Jean-Philippe et Klausser Nicolas, sont des fiches ni datées ni signées – notamment pour protéger les fonctionnaires qui les rédigent – contenant « des extraits de rapports de police ou de renseignement au sujet du comportement d’un individu sans précision de leurs sources et qui sont produites par l’administration au soutien de ses dires. Supprimées par Nicolas Sarkozy en 2002, elles sont à nouveau utilisées par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) depuis l’instauration de l’état d’urgence, pour proposer au ministère de l’Intérieur des assignations à résidence, perquisitions administratives et autres mesures d’exception. Sur l’ensemble du contentieux de l’état d’urgence porté devant les juridictions administratives jusqu’en décembre 2016 (inclus), soit 764 ordonnances, jugements et arrêts, plus de 300 notes blanches ont ainsi été produites pour motiver les mesures ministérielles. Si elles sont parfois accompagnées d’autres éléments, relatifs notamment au passé pénal de la personne concernée, elles restent la source principale de motivation de ces mesures attentatoires aux libertés. » [1]

Des coups de pression qui sont à remettre dans le contexte d’une poussée autoritaire du pouvoir, généralisant à l’ensemble de ceux qui s’opposent au gouvernement les méthodes de répression déployées pour combattre les Gilets Jaunes : de la loi anti-casseur à la tentative de perquisition des locaux de Mediapart ; et à réinscrire dans le contexte local d’une forte mobilisation du mouvement des Gilets Jaunes à Toulouse.

Crédit photo : © Michel Viala Maxppp


[1Foegle Jean-Philippe, Klausser Nicolas, « La zone grise des notes blanches », Délibérée, 2017/2 (N° 2), p. 41-45. URL : https://www.cairn.info/revue-deliberee-2017-2-page-41.htm



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