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A Sciences Po Toulouse, la « jeunesse s’enflamme pour la grève générale »

Occupé 10 jours en décembre en solidarité aux gilets jaunes, Sciences Po Toulouse a fait partie des premières universités mobilisées. Le 5 février, jour de grève nationale, l'établissement a été bloqué à l'instar de l'université Bordeaux Montaigne ou de Paris 8. Outre la situation historique ouverte par les gilets jaunes, la "loi anti-casseurs" a été largement dénoncée.

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Il fallait être courageux pour bloquer les locaux de Sciences Po Toulouse dès 5h30. Sous une pluie battante, une quarantaine d’étudiants ont bravé le froid afin de mener à bien ce blocage externe. Poubelles, barrières de chantier, cadenas, et la banderole « la jeunesse s’enflamme pour la grève générale » qui avait déjà servi pour le cortège jeune lors de l’acte XII, vont orner la devanture de l’Institut d’Etude Politique. Le blocage est une modalité d’action permettant de libérer du temps aux étudiants afin de se mobiliser sans avoir à justifier une quelconque absence. La symbolique du blocage d’un lieu d’étude élitiste dans la perspective de la grève générale et du mouvement des gilets jaunes est par ailleurs importante. Au-delà de ça, les blocages épisodiques sur Sciences Po Toulouse ont permis par le passé d’être des leviers pour grossir les rangs des manifs et offrir de riches débats lors d’AG garnies.

Le 31 mars 2016, 220 étudiants, enseignants et personnels avaient pu discuter à la mi-journée avant qu’une centaine d’entre eux participent à une manifestation impressionnante. Au printemps 2018, un blocage avait eu lieu en solidarité avec le Mirail dont l’occupation allait être délogée incessamment sous peu suite à une décision du président du tribunal administratif qui siégeait alors au conseil d’administration de Sciences Po Toulouse. L’AG qui s’était tenue dans la cour avait alors regroupé quelques 300 personnes, libérant la parole comme c’est rarement le cas entre les murs du 2 ter rue des puits creusés.

Cette fois, la situation politique et sociale est toute autre. Alors que la mobilisation des gilets jaunes a atteint un certain « plafond de verre », la date de grève nationale du 5 février appelée conjointement par des gilets jaunes, la CGT, la FSU et Solidaires devait servir de point d’appui, et opérer une première jonction à échelle nationale entre gilets jaunes, grévistes et jeunesse. Un test réussi puisque 300 000 personnes ont défilé partout en France.

« On fait face à l’histoire » s’exclame un professeur

Lors de l’AG débutée à 10h, la question de la nécessité d’une jonction par la grève de la jeunesse et des travailleurs a été évoquée. C’est certainement le seul moyen pour massifier les rangs de cette contestation sociale inédite, et impulser une dynamique de grève générale, seule à même de bloquer totalement l’économie du pays, et faire tomber Macron et son monde. Le blocage de plusieurs universités dans le pays a d’ailleurs eu un réel écho sur les groupes de gilets jaunes avec des milliers de partages, preuve s’il en est de l’attente forte pour que le mouvement étudiant rentre dans la bataille. Un professeur est intervenu en ce sens, soutenant implicitement, par sa prise de parole le blocage. Avec les gilets jaunes, « on fait face à l’histoire » a-t-il déclamé, et de poursuivre sur les mouvements sociaux passés victorieux, « il n’y a pas de progrès historique sans remise en cause de la légalité. »

La question des violences policières et de la répression a été largement abordée s’appuyant notamment sur les conclusions de l’Observatoire des Pratiques Policières qui s’inquiète d’une escalade de la violence chez les forces de répression. Alors que le pouvoir vacille face au mouvement des gilets jaunes qui réclame depuis 2 mois et demi plus de justice sociale et fiscale, sa seule réponse est pour l’heure le tout répressif avec quelques 2000 blessés, des victimes de blessures de guerre (mutilations aux mains, aux yeux ou aux pieds) et le décès de Zineb Redouane à Marseille. Un étudiant ayant été en garde-à-vue – pour accoucher sur un non-lieu - suite à l’un des actes des gilets jaunes a par ailleurs témoigné sur cette question de la répression. Des violences policières désormais largement visibilisées et conscientisées mais qui existent depuis de trop nombreuses années déjà dans les quartiers populaires.

Un gilet jaune, Manu, était également présent alors que 200 d’entre elles et eux avaient bloqué le péage de Toulouse nord tôt dans la matinée. Ce dernier a évoqué l’appel de Commercy et l’assemblée des assemblées qui s’en est suivie, un premier pas vers une véritable structuration pour le mouvement. Evoquant par exemple la suppression de Parcoursup, Manu a mis en avant le fait que gilets jaunes et jeunesse avaient intérêt à se battre ensemble. Alors qu’un étudiant sur deux travaille sous la forme d’un job sous-payé pour financer ses études, que la jeunesse connaît tout autant les problèmes de mal logement par exemple, celle-ci a tout intérêt à se mobiliser aux côtés des gilets jaunes et des travailleurs.

Dans la discussion, une frange de l’assemblée générale a essayé d’orienter le débat sur des questions techniques et partielles, de forme plutôt que de fond, autour des votes en AG en remettant en cause les principes de la démocratie étudiante comme le vote à main levée, ou et revenue sur la question de la légitimité dans la vaine de la proposition d’une consultation par le directeur. Ne nous y trompons pas, l’objectif de ces interventions et de la possible consultation n’est autre que de tuer dans l’œuf la mobilisation.

L’AG s’oppose à la « loi anti-casseurs »

Pourtant, la mobilisation débutée en décembre dernier aura permis de libérer la parole, d’instaurer un cadre de débat inexistant jusqu’alors, et surtout de converger avec les autres secteurs en lutte. D’ailleurs, en fin d’assemblée le principe de la reconduction imminente d’une prochaine AG a été voté à la quasi-unanimité. L’adoption par l’Assemblée Nationale de la « loi anti-casseurs », une arme de plus contre les mouvements sociaux, ne faisant aucun doute, l’AG s’est positionnée contre cette loi liberticide. Un futur cadre de discussion plus informel, autour de la loi, a d’ailleurs été proposé.

Les votes se sont clôturés à 13h afin de permettre au maximum de monde d’aller en manifestation. Ainsi, à partir de 13h10, des dizaines d’étudiants de Sciences Po ont manifesté aux côtés des lycéens depuis le Capitole jusqu’au quartier St Cyprien afin de se joindre aux cortèges syndicaux, partis politiques et gilets jaunes. A 14h, quelques 12 000 manifestants commençaient à battre le pavé jusqu’au monument aux morts. Le cortège jeune s’est alors invité en tête de manif’ aux côtés de la banderole syndicale. Plusieurs centaines de jeunes ont alors repris chants et slogans anticapitalistes, anti-fascistes démontrant une radicalité et une énergie certaine. En bref, une journée harassante mais pleine de détermination, de combativité et franchement réussie !


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