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Procès à Montpellier 3 : la sélection en master 2 reconnue illégale ?

A Montpellier comme ailleurs, les étudiant-e-s subissent la rigueur

Refusée en master 2 information-communication malgré la validation de son année de M1, une étudiante a porté l'affaire devant le tribunal administratif de Montpellier. Ce dernier lui a donné raison le 2 septembre, contraignant ainsi l'université Paul Valéry Montpellier 3 à l'inscrire et à lui verser 800 euros de dommages et intérêts ; une décision qui ne plaît pas à Anne Fraïsse, présidente de l'université, qui dénonce une décision « injuste ». C'est pourtant la situation générale de l'enseignement supérieur en France, imposée par un gouvernement « de gauche », qui est fondamentalement injuste, plusieurs milliers de bacheliers se voyant refuser leur inscription en licence faute de place et de moyens adéquats. Dom Thomas

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Une bataille gagnée... mais la guerre reste ouverte

A la lecture de cette nouvelle, on ne peut que se réjouir pour l’étudiante concernée, qui pourra ainsi obtenir son diplôme dans de bonnes conditions. Le jugement rendu constitue également un argument en faveur de l’ouverture de places supplémentaires en master 2 : si la sélection y est reconnue illégale, il faudra bien inscrire les aspirants étudiants.

Cependant, si cette démarche isolée a abouti, la décision du tribunal s’avérant favorable à l’étudiante montpelliéraine, son cas est loin de pouvoir être généralisé. Un peu partout en France, face aux procédures illégales de sélection mises en place, des étudiants refusés en M2 attaquent les universités. Si certains obtiennent ainsi gain de cause, comme à Bordeaux, Grenoble, Nice, Nantes ou Montpellier, d’autres sont moins chanceux : les tribunaux de Lyon et de Paris ont au contraire donné raison aux universités. Les textes du code de l’éducation entretiennent un flou juridique qui laisse une grande marge de manœuvre aux juges : si les deux années de master sont considérées par la loi comme un cycle qu’on ne doit pas interrompre, le même texte stipule que c’est le ou la président.e d’université qui est responsable de l’inscription en master 2. Certains étudiants jouent ainsi la carte du tribunal, se retrouvant à la merci de la sensibilité des juges ; un autre étudiant montpelliérain, refusé en M2 LEA, a entrepris un procès à son tour. Si cette gestion individuelle s’est avérée payante en l’occurrence, elle est cependant loin d’être la solution du problème : en cette rentrée 2015, plus de 400 étudiants ont été refusés en master 2 pour la seule université Montpellier 3. Va-t-il falloir intenter autant de procès que d’étudiants refusés ? Et quid des étudiants refusés à l’entrée de la licence (L1), pour lesquels les recours juridiques sont moins nombreux ?

Une sélection « invisible »

Les étudiants en master ne sont en effet pas les seuls à être touchés par la sélection. Bien que, juridiquement, tout bachelier ait le droit d’accéder à l’université, ce sont à l’échelle nationale plusieurs milliers de bacheliers qui n’ont pas réussi à s’inscrire faute de place. A Paris 10 Nanterre, ce sont carrément plus de 800 cas qui ont été regroupés par les syndicats sur les chaînes d’inscription, donnant lieu à plusieurs assemblées générales et rassemblements devant la Présidence depuis juillet, sans qu’une victoire nette n’ait pu être obtenue pour l’instant. Cette sélection, illégale, n’existe donc pas officiellement ; pourtant, les syndicats étudiants montpelliérains ont recensé au moins une dizaine de cas, dont certains pour « résultats insuffisants ». Quelle est la signification d’un tel motif, quand le bac est la condition juridique nécessaire et suffisante pour s’inscrire en licence ? Deux des étudiants concernés envisagent eux aussi de porter l’affaire au tribunal, et un rassemblement a eu lieu le 22 septembre pour exiger l’arrêt de cette sélection par tirage au sort ou sur dossier, en L1 comme en M2.

Souffler sur les braises ou les disperser ?

Tout en affirmant qu’elle veut renvoyer le gouvernement à ses responsabilités, Anne Fraïsse, présidente de Montpellier 3, juge la décision du tribunal injuste : pour elle, citée par l’édition montpelliéraine du 20 minutes, l’étudiante qui a obtenu gain de cause « prend la place » d’un étudiant meilleur qu’elle. Des propos choquants qui visent à monter les étudiants les uns contre les autres et à justifier la sélection en laissant entendre que cette étudiante ne mérite pas la place que le tribunal oblige l’université à lui donner. On imagine l’ambiance dans sa promo à la rentrée, à l’heure où les étudiants et l’ensemble de la communauté universitaire devraient au contraire s’unir pour réclamer plus de moyens !

Partout en France, les universités subissent les baisses de budget et les manques de moyens, alors que le nombre de demandes d’inscription est en augmentation. Tandis que les départements de SHS de Saint Etienne ont mis en ligne une pétition dénonçant une répartition inégale des moyens à leurs dépends, les étudiants refusés par l’université Toulouse Le Mirail se sont organisés en collectif pour défendre leurs droits Les photos de salles de cours et d’amphis surchargés mises en ligne par des étudiants sont également révélatrices du niveau de dégradation des conditions d’étude subie par les étudiants, et de celle des conditions de travail subie par les enseignants. De leur côté, les filières STAPS ont manifesté nationalement le 23 septembre pour défendre leurs conditions d’étude et s’opposer à la sélection illégale par tirage au sort en première année de licence.

Pour une université ouverte à toutes et tous, au service des travailleurs et des classes populaires

En juin 2014, c’est-à-dire à l’issue d’une année marquée par la mobilisation massive contre la fermeture du centre universitaire de Béziers, la Présidente de l’université Montpellier 3 publiait une tribune dans le monde qui laissait entendre que la solution consiste à décaler la sélection d’un an pour l’instaurer à l’entrée en master 1, et à refuser les bacheliers titulaires d’un bac pro. Ce faisant Anne Fraïsse, réputée à gauche, jouait par anticipation le jeu... des Républicains. Nathalie Kosciusko-Morizet dit en effet la même chose dans le pamphlet publié la semaine dernière - qui préconise de plus l’augmentation des frais d’inscription.
De droite comme de gauche, les gouvernements qui se sont succédés dans les années 2000 n’ont eu de cesse de casser les acquis du mouvement étudiant. Alors que les dotations des universités se réduisent comme peau de chagrin, en particulier dans le domaine des humanités, les étudiants voient les frais d’inscription augmenter, les bourses stagner, les cités universitaires se dégrader et le tarif du resto U augmenter, alors même que leurs effectifs sont en très forte hausse depuis 5 ans.
L’université, comme tous les lieux de savoir et de culture, devrait au contraire être ouverte à toutes et tous sans discrimination, à tous les âges et à tous les niveaux, et développer un savoir au service des travailleurs et travailleuses. Si les procès permettent de médiatiser le problème et de mettre l’Etat face à ses responsabilités, c’est à nous de construire un mouvement fort pour imposer une conquête essentielle : celle qui consiste à garantir l’accès des universités à toutes celles et tous ceux qui souhaitent étudier, d’ici comme d’ailleurs.

Pour plus d’information, les sites des syndicats engagés dans le combat pour l’inscription de tous les étudiants sur la fac de Montpellier 3 :
Solidaires Etudiant-e-s Montpellier : https://solidairesetudiants34.wordpress.com/
SCUM : https://combatuniversitaire.wordpress.com/


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