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Au Zenith d’Amiens

800 ex-Goodyear aux Prud’hommes : un dossier en béton et une solidarité qui fait chaud au cœur

Comme annoncé, le procès fut géant. La plus grande salle d’Amiens, le Zénith, pour plus de 800 ex-Goodyear et des heures de plaidoirie. A la fin de la matinée l’auditoire avait eu, grâce à l’avocat des salariés, une large démonstration des raisons qui justifiaient les plaintes pour licenciements sans cause réelle et sérieuse et harcèlement moral. A la clé : des indemnités allant de 2 à 4 ans de salaire pour 832 ex-salariés. Le jugement sera rendu d'ici plusieurs mois. Mais le plus important pour l’avenir s’est peut-être passé en marge du procès, dans la solidarité et la convergence que sont venus exprimer d’autres secteurs qui mènent aussi des luttes emblématiques.

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Crédit photos : Révolution Permanente

Garder intacte sa colère et exiger justice

Dès 8 heures, arrivaient au Zénith d’Amiens, transformé pour la circonstance en tribunal prud’homal, les 832 ex-salariés de Goodyear qui assignent leur ex-employeur et demandent réparation pour le drame économique et social qu’ils ont subi avec la mort programmée et la fermeture délibérée de leur usine.
Dès l’ouverture de l’audience, le cadre était donné : pas de banderoles, pas de badges, pas de remarques, pas de pleurs, ni de rires, « pas de manifestation d’aucune sorte qui ne feraient que nuire » comme l’indiquait la présidente du tribunal.

Pourtant chez les Goodyear on sentait l’émotion à fleur de peau. L’un d’entre eux à qui l’on demandait « pourquoi il était présent dans cette salle » a répondu « parce que je suis désabusé mais qu’il y a peut-être encore un espoir ; il faut être là. J’ai perdu mon travail, je suis au RSA à 500 € par mois, ma femme ne travaille pas non plus, je suis devenu un pauvre ». Lorsque Mickaël Wamen, leader emblématique de la lutte, a pris la parole à la pause du déjeuner et a déclaré : « Quand on a perdu notre boulot, on a perdu notre vie. Nous avons tout perdu mais pas notre dignité », plusieurs avaient les larmes aux yeux.

Vivre un tel procès est une épreuve qui rouvre les blessures. Ré-entendre l’insupportable discours des patrons réveille la souffrance. Mais c’est parce qu’ils sont portés par la colère contre l’injustice subie qu’ils ont choisi d’être là. C’est parce qu’il est insupportable d’avoir vu sacrifier 1143 travailleurs sur l’autel de la « compétitivité » qu’ils ont décidé de continuer à se battre et de faire rendre gorge à la multinationale. C’est parce qu’ils continuent à défendre leur dignité qu’ils acceptent momentanément de faire taire leur colère et d’attendre que justice soit faite.

Un dossier en béton qui devrait sonner comme une promesse

Des licenciements sans cause réelle et sérieuse, un insupportable harcèlement pour faire reculer la résistance, des versements aux salariés, au titre de la « participation », détournés au profit des actionnaires, c’est ce que leur avocat, Maitre Fidor Rilov, a mis en avant au cours d’une plaidoirie de 4 heures. Ce qui justifie amplement les 2 à 4 ans de salaires demandés par les Goodyear.

Oui, on peut dire que pour les 832 ex-Goodyear, même du point de vue de la justice de classe, il y a des « raisons réelles et prouvées » de considérer qu’ils sont abusifs au regard de la loi qui régissait les licenciements au moment de la fermeture de l’usine. En 2014, la loi prévoyait en effet, qu’en cas de licenciement économique, le périmètre pour évaluer la situation d’une entité appartenant à une multinationale était celui du groupe. Ce n’est que grâce aux contre-réformes de Macron que le périmètre est désormais celui de l’entité locale. On peut d’ailleurs souligner, à la lumière de la fermeture de l’usine Goodyear d’Amiens, combien cette évolution récente de la loi était essentielle pour les intérêts du patronat.

Or, un rapport financier du Groupe fait état, pour l’année qui a précédé la fermeture, d’un résultat net de 2,5 milliards de dollars, soit 8% de plus que l’année précédente qui était déjà un record. Si on regarde ce chiffre du point de vue patronal de la « compétitivité » adoptée par Goodyear pour justifier 1143 licenciements, on s’aperçoit qu’il est de 1 milliard supérieur à tous les autres pneumaticiens.

Oui, on peut considérer comme fondées les demandes d’indemnités pour harcèlement formulées par 423 d’entre eux, lorsque l’on découvre les manœuvres et les manipulations indignes accomplies par les dirigeants. Celles qui ont consisté, tout d’abord, à vider l’usine d’Amiens de son activité et à programmer son obsolescence et ensuite à créer des conditions intenables pour les salariés : passage en 4x8 alors que cela n’existe dans aucune autre usine européenne, exercice d’un contrôle draconien des horaires, sanction pour le moindre retard alors qu’il n’y a aucune tâche à exécuter. En termes psychologiques, cela s’appelle une double contrainte et chacun sait que cela peut rendre fou ! Une atteinte que même des sommes colossales ne parviendraient sans doute pas à réparer.

Dès aujourd’hui une victoire, celle de la solidarité et de la convergence

La solidité du dossier présenté par l’avocat des salariés peut nourrir leur espoir d’ici le rendu de jugement, dans plusieurs mois. L’attente pourra par moments paraître longue, mais les Goodyears sont décidés à tenir bon, que Goodyear fasse appel ou qu’ils soient amenés eux-mêmes à le faire.

Pour tenir, ils peuvent s’appuyer sur une première victoire déjà acquise, celle de la solidarité et de la convergence qui s’est manifestée à Amiens. Des délégations de secteurs en lutte ont tenu à venir les soutenir : les salariés de Ford Blanquefort venus de Bordeaux et dont la situation actuelle rappelle douloureusement celle des Goodyear en 2014 ; les voisins de l’hôpital Pinel d’Amiens en grève depuis 111 jours contre la destruction des soins hospitaliers, la détresse des soignants, des patients et des familles, particulièrement en psychiatrie ; les postiers du 92, en grève depuis 6 mois et qui n’en peuvent plus de subir les réorganisations incessantes, la destruction des métiers et la répression syndicale.

Mais, comme le souligne Mickaël Wamen, seule la convergence pourra permettre à terme de gagner. Cette convergence « qu’il a appelée de toutes ses forces pendant les 7 ans qu’a duré la lutte des Goodyear ». Il rappelle que c’est pour cette raison qu’il a demandé aux Ford Blanquefort de venir les soutenir à Amiens. C’est pour cela qu’il ira les soutenir le 12 octobre au salon de l’auto. Car, face à nous, les patrons, eux, n’ont pas oublié « la lutte des classes » et même « la guerre des classes ».
Et il conclut en promettant « on va continuer à agréger les luttes ».


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