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"On ne négocie pas le poids des chaines"

Aéro. Plus de 8.800 supressions d’emplois dans le Grand Sud-Ouest, le bilan du "dialogue social"

Vendredi 9 avril, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) publiait une étude sur la filière aéronautique et spatiale dans le Grand Sud-Ouest. Le communiqué de presse livrant le rapport pour l’année 2020 révèle dès son intitulé le chiffre effarant de 8800 suppressions d’emploi dans la région, et cela sans compter les interimaires.

Lili Krib

13 avril 2021

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Crédit photo : AFP

Vendredi 9 avril, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) publiait une étude sur la filière aéronautique et spatiale dans le Grand Sud-Ouest. Le communiqué de presse livrant le rapport pour l’année 2020 révèle dès son intitulé le chiffre effarant de 8800 suppressions d’emploi dans la région, et cela sans compter les interimaires.

Le Grand Sud-Ouest - comprenant l’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine - regroupe l’essentiel des activités du secteur de l’aéronautique, durement touché par la crise sanitaire et économique du Covid-19 qui a provoqué une nette chute du trafic aérien. Selon l’Insee, en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine respectivement 6 250 et 2 550 postes ont été supprimés. On observe une concentration particulièrement forte en Haute-Garonne, où sont cumulées 4900 suppressions d’emplois sur les 6250 de la région, représentant 10% de moins d’effectifs salariés, selon une étude de la Chambre de commerce et de l’industrie (CCI) du département et de la Banque de France. En tout, l’Insee recense en 2020 8 800 emplois perdus seulement dans le Sud-Ouest, ce qui correspond à 5,5% des effectifs salariés. En France, pour l’ensemble de la filière aéronautique, plus de 13.000 postes ont été concernés par des PSE. Et cela sans parler des intérimaires et des licenciements collectifs hors-PSE

Ces suppressions massives de postes dans le secteur s’inscrivent dans la droite lignée de la première vague de licenciements initiée par les grands patrons de l’aéronautique, soutenue largement par le gouvernement et enfin accompagnée par les bureaucraties syndicales FO, CFTC et CGC-CFE qui ont validé un PSE historique chez Airbus.

Cherchant à redorer leur image, les grands patrons se félicitent d’avoir « limité la casse »

« On pense qu’on est arrivé à gérer 2020 aussi bien que possible. […] On a limité la casse aussi bien qu’on pouvait. » se félicitait le 9 avril le PDG d’Airbus, Guillaume Faury, sur la plateau de BFMTV. Alors que des milliers de familles ouvrières se retrouvent ainsi frappées de plein fouet par le chômage et précarité, le géant de l’aéronautique, avec un mépris cinglant, renchérit sans attendre pour sauver son image. Ce discours d’autocongratulation, expression d’une insolence inouïe envers les salariés, est diffusé et repris plus d’une fois par le patronat de l’aéronautique. À ce titre, Paolo Del Noce, PDG du groupe de services d’ingénierie aéronautique AKKA Technologies, vantait le 24 mars sur France 3 Occitanie : « Le PSE pour l’aéronautique, n’est réduit qu’à 441 suppressions de poste, dont 360 en Occitanie. C’est un niveau bien plus faible par rapport à ce que nous avions annoncé au départ. ».

Autre manipulation des grands groupes de l’aéronautique pour redorer leur image : se déresponsabiliser d’un nombre conséquent de licenciements en misant sur la distinction des chiffres de suppression d’emplois directement dans leurs structures, et dans les entreprises sous-traitantes. Car si les sous-traitants et prestataires divers sont bel et bien les plus touchés par ces pertes de postes - 7,5% contre 0,9% pour les donneurs d’ordres selon l’Insee - ils ne sont pas moins la manœuvre des donneurs d’ordres qui ne sont autres que les géants de l’aéronautique. Les petites entreprises et autres prestataires sont subordonnés par une dépendance productive à ces grands groupes, les rendant sujettes tant à leur cadence de production qu’à leurs politiques salariales.

Le grand patronat cherche donc une fois de plus, afin de préserver ses intérêts, à faire payer la crise aux travailleurs, engendrant par ses attaques une casse sociale historique, et non sans un appui de taille : le gouvernement est son premier allié.

Au côté des patrons, l’État subventionne massivement la casse sociale

« La filière a tenu » notamment grâce au « soutien exemplaire et sans faille de l’État » déclarait Éric Trappier pour BFMTV ce mardi 13 avril. Le PDG de Dassault Aviation et président du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas), à juste titre, insistait sur le soutien infaillible du gouvernement qui investit des milliards, entre prêts garantis par l’État et des fonds, tout en laissant ses patrons mener des PSE dévastateurs dans le secteur.

En visite à Toulouse le 22 janvier, Bruno Le Maire, dans un entretien pour France Bleu avait déjà osé affirmer que « la filière aéronautique est la filière la plus touchée par la crise, mais elle peut en sortir plus forte ». Des déclarations qui exprimaient un mépris franc vis-à-vis des nombreux travailleurs de l’aéronautique qui ont été sacrifiés pour le seul bénéfice du patronat par un licenciement ou la perte d’acquis sociaux via des Accords de Performance Collective (APC)

Dialogue social ou lutter pour 0 supression d’emploi ?

La première vague d’attaques patronales dans le secteur aéronautique a été d’une ampleur inouïe comme le montrent les chiffres de l’Insee. Mais cette vague d’attaques est allée de pair avec une certaine usure d’un des principaux outils du patronat pour canaliser la colère des salariés et imposer ses intérêts : le dialogue social.

Pour ne citer que quelques exemples, les salariés ayant subi des APC comme ceux de Derichebourg ou DSI, ou qui ont fait face à une PSE comme AAA, ont averti le danger d’épuiser le temps qui devrait être consacré à la construction du rapport de forces, dans la table de négociations. Les attaques patronales ont aussi montré au grand jour le rôle de certains bureaucrates syndicaux plus soucieux de faire passer les plans du patronat que de défendre les intérêts des travailleurs. C’est le cas de FO Derichebourg ou encore le scandale du délégué CGC-CFE chez AAA. Les attaques contre les travailleurs ne sont pas non plus restées sans réponse. A Derichebourg, Cauquil, Latelec ou Toray, ce sont autant de luttes qui ont exprimés avec des différents degrés la volonté de dépasser la stratégie de « négocier le poids des chaines » défendu par les équipes syndicales pro-patronales.

Au moment où le patronat, la bureaucratie syndicale, les medias et la classe politique essayent de réhabiliter le « dialogue sociale » qui a accompagné et accompagne cette casse sociale historique, il est important de rappeler et revendiquer les expériences récentes qui ont permis d’envisager une méthode de lutte capable de construire un vrai rapport de forces pour défendre l’emploi. C’est le cas des luttes des salariés de Derichebourg de Toray ou de Grandpuits qui elles aussi, à des degrés différents, ont montré l’importance de l’unité entre les travailleurs syndiqués et non-syndiqués, de construire des assemblés de salariés où décider des suites de la mobilisation, de refuser de « négocier le poids des chaines », de lutter par la grève et de se coordonner avec les autres boites pour imposer 0 suppressions d’emploi et 0 baisse de salaire.


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