La casse d’un statut
Les postiers expriment leur ras-le-bol face à des conditions de travail de plus en plus difficiles. En effet, la direction augmente petit à petit leur charge de travail sans pour autant augmenter les salaires. Par exemple, on demande aux facteurs de prendre en charge une partie de la livraison des colis sans revalorisation de salaire, alors que les employés de ColiPoste sont payés 2 euros par colis livré. Cette charge supplémentaire allonge encore la durée des tournées, et la livraison des colis se fait dans des conditions déplorables : « On n’a même pas un matériel sécurisé pour la plupart. Ils ont créé de nouveaux vélos avec de très grosses sacoches qu’on pourra fermer mais c’est pas pratique, à chaque allér, de fermer son caddie, et c’est quelque chose qu’on sera obligé de faire, parce que s’il y a un vol, ça sera pour nous. […] Les usagers vont payer pour un service qui sera fait de manière lamentable. » nous expliquait ce mardi l’un des grévistes. A cela s’ajoute l’apparition des tournées à horaire mixte (des tournées le matin et l’après-midi), qui mettront fin à l’après midi libre dont bénéficie les facteurs. La direction de la Poste cherche également à imposer de nouveaux horaires pour les livreurs de colis : depuis le mardi 20 octobre ils font 15h-22h ! Un seul mot d’ordre : l’arrêt des nouvelles restructurations qui vont avoir pour conséquence de nouvelles suppressions de postes (donc des tournées plus longues pour les facteurs et factrices).
Le démantèlement d’un service public
Ce qui s’annonce à l’horizon, c’est un saccage en bonne et due forme du service public, soit la détérioration du service rendu à l’usager. Il arrive que le courrier reste une semaine dans le centre de tri du fait du manque de personnel. « Le but, comme à chaque restructuration, c’est la baisse du nombre de tournées, la suppression de postes. […] Et on mixe ça avec une nouvelle organisation du travail dans laquelle on ajoute la distribution des colis. », nous racontait l’un des facteurs participant au rassemblement organisé ce mardi pour visibiliser la grève. Ces compressions à la base vont de paire avec la bureaucratisation de la poste : « 299 cadres dirigeants en 2008, 409 en 2012, 36 % d’augmentation du nombre de cadres. Les gens qui sont en contact avec le public, qui vont distribuer le courrier, il y en a de moins en moins. » C’est aussi contre ce lent mouvement de destruction du service public que s’opposent les salariés.
Après l’Ile-de-France, la Corse, la Normandie, les postiers de Lyon s’engagent dans la bataille
Pour sensibiliser les usagers à leur grève les postiers tractent devant le centre de tri de Lyon. Ils ont refusé lundi de négocier avec la direction car elle n’est pas prête à entendre une bonne partie de leurs revendications. Ils sont déterminés à ce que le mouvement dure afin d’imposer leurs revendications à la direction. Pour cela, ils discutent avec leurs collègues encore non grévistes pour les convaincre de rejoindre le mouvement et donc, d’améliorer le rapport de force.
La mobilisation pourrait bien s’étendre à d’autres bureaux de poste si elle parvient à s’inscrire dans la durée. Deux mouvements de grève similaires ont eu lieu ces dernières années à Lyon et s’affrontaient aux mêmes problèmes : les suppressions de tournées pour celle du 8ième (ils avaient obtenu après un mois de grève la suppression d’une tournée au lieu de deux prévue initialement). Et la grève de Meyzieu, qui s’était affrontée au cas des horaires mixtes (12 tournées à horaires mixtes étaient prévues) et à la délocalisation du tri et de la préparation des tournées, à Vaux-en-Velin. Après un mois de grève, les postiers avaient obtenu la conservation d’un local à Meyzieu, avec préparation et distribution de leur tournée au départ de Meyzieu, moins de tournées mixte que prévu (4 au maximum), ainsi que deux CDI.
À Lyon comme ailleurs, la direction de la poste essaie d’imposer sa logique : destruction du service public, réorganisations, tournées à horaire mixte, travail le dimanche, suppression de postes… Pour mettre fin à cette offensive tous azimuts, la méthode la plus efficace serait de faire se rejoindre les batailles locales et de les coordonner à un niveau national. Après les épisodes de grève en Ile-de-France, en Corse, en Normandie où les postiers normands, grâce à des efforts de coordination à l’échelle départementale, ont réussi à faire reculer la direction, seule une politique de convergence des luttes peut s’avérer efficace contre une direction qui avance à pas feutrés, et joue sur la temporalité pour diviser la résistance.
