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Correspondances ouvrières

Prud’hommes : comment le gouvernement détruit la capacité des salariés à faire valoir leurs droits

Il y a quelques semaines, le président des riches voulait prouver son intérêt pour les plus démunis en présentant son « plan pauvreté », de 8 milliards d’euros sur 4 ans. Un comble pour celui qui en est le principal pourvoyeur en attaquant les droits des salariés.

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L’opinion publique n’est pas dupe et la cote de popularité du président des riches n’a pas frémi. Comment croire que ce gouvernement a réellement envie d’agir contre la pauvreté quand il en est le principal pourvoyeur ? C’est une mode actuellement pour les bourreaux, de se faire passer pour des victimes, l’extrême droite qui crie à la discrimination des médias, le racisme anti français, ou les policiers qui portent plainte contre leur victime.

On dirait le DRH d’une grande entreprise qui organise une réunion sur la souffrance au travail pendant que la direction exige des gains de productivité et des licenciements… En dehors du bilan connu et réel concernant l’ISF, qui a déjà été bien dénoncé comme le signe d’une politique « anti-pauvre » et à juste titre, un certain nombre d’autres décisions et lois ont été pondues à l’encontre des plus démunis. Les lois Macron et Travail notamment qui, non seulement plafonnent les indemnités pouvant être versées aux salariés aux prud’hommes donc facilitent le licenciement, mais également réduisent grandement l’accès de ces mêmes salariés à l’instance prudhommale.

Macron et les Prud’hommes

Les prudhommes datent de l’époque napoléonienne, 1806, avec une procédure orale, vestige de cette époque de peu d’instruction du peuple. Pour lui permettre de présenter ses litiges devant une cour, il est donc institué que le salarié peu instruit pourra le faire oralement et devant des « conseillers prudhommaux » qui sont élus parmi ses pairs pour le conseiller, le guider à travers les méandres de la loi. Une loi qui est encore aujourd’hui largement ignorée des salariés…

Le salarié n’a pas forcément besoin d’un avocat (peu attiré par les petits litiges d’ailleurs) et peut se faire assister d’un défenseur syndical, d’un collègue ou d’un membre de famille. Or, la Loi Macron de 2015 instaure l’obligation d’un formulaire CERFA de 6 pages, avec obligation de présenter les motifs du litige, de formuler des demandes qu’on ne pourra plus modifier ni compléter (ce qui était faisable à tout moment auparavant) et également, l’obligation d’un bordereau de pièces (une liste de toutes les pièces écrites utiles).

Ces nouvelles obligations ont, bien entendu fait baisser le nombre de dossiers saisis, jusqu’à 60% à Bobigny par exemple, puisque la proportion de travailleurs ne maitrisant pas bien le français y est plus importante, mais aussi parce qu’un avocat, désormais de plus en plus indispensable pour constituer un dossier, coûte bien trop cher… Les patrons ne sont pas plus respectueux de la loi mais les obstacles s’amoncellent pour ceux qui voudraient réclamer réparation, et le parcours du combattant des salariés voulant faire respecter leurs droits ne s’arrête pas là.

Complexifier les procédures pour en rendre le maximum caduques

Une autre réforme, moins connue du grand public, portée par le décret Magendie (du nom d’un obscur parlementaire) [1], vise sous couvert de désengorgement des tribunaux et cours d’appel à dissuader les travailleurs de poursuivre en justice leur employeur. En effet, en réduisant les délais pour faire appel, la mise en application de ce décret a entrainé la caducité de 15% des appels, d’autant plus que la dernière version en date de 2017 entraine une caducité définitive avec impossibilité de réintroduire l’affaire.

D’autant plus que l’application de ce décret rend l’accompagnement obligatoire en appel par un avocat ou un défenseur syndical, sachant que le défenseur syndical a intérêt à bien maitriser les méandres du décret Magendie, sous peine de caducité. Le patronat lui fait appel à des cabinets d’avocats spécialisés…

Dans toutes ces procédures on pouvait auparavant se présenter seul, ou accompagné d’un collègue comme précisé précédemment. A terme, on peut facilement imaginer que la présence d’un avocat sera obligatoire pesant encore plus sur le nombre de dossiers saisis, avec parallèlement, la Loi Travail qui nuit à l’oralité des débats…

Plutôt que 2 milliards par an d’aide sociale, les classes populaires préfèreraient certainement faire valoir plus facilement leurs droits et obtenir plus rapidement de meilleures réparations, surtout en matière de contrat de travail, ce qui créerait moins de pauvreté…

La médecine du travail n’est pas épargnée

Les règles sur le reclassement et le rôle du médecin du travail ont également été modifiées par la loi travail :

  • Le médecin du travail ne peut plus intervenir concernant le lieu d’affectation (plus considéré comme une composante médicale) donc le salarié se retrouve dans l’obligation d’accepter une mutation ou d’être licencié.
  • L’obligation de moyens pour le reclassement d’un salarié est allégée si le médecin indique que le salarié est inapte à tout poste dans l’entreprise alors qu’avant l’employeur avait obligation de chercher des solutions tout de même (obligation de moyens, à prouver devant les juges).

Donc à nouveau, plus de licenciement, plus difficilement contestable, donc plus de pauvres…

"Every one is crying out for peace
None is crying out for justice
I-man don’t want no peace
I need equal rignts and justice !!!"
Peter TOSH 1977

Crédit photo : Éric Cabanis / AFP


[1voté en 2009, puis entré en vigueur en 2011 (Décret du 15 mars 2011) et surtout en 2016 (17 mars 2016, n° 15-10.754)



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