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« On n’est plus chez nous… »

Prières de rue à Clichy. Fausses alertes et vrais fachos

La polémique enfle, les imprécisions font florès mais le maire Les Républicains de Clichy-La-Garenne (Hauts-de-Seine), Rémi Muzeau, est formel : les musulmans qui prient dans la rue lui rendent la vie impossibles, à lui ainsi qu’à toutes ces braves gens qui habitent sa bonne ville. Petit retour sur cette dernière séquence de racisme anti-musulmans.

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Crédit photo : ALAIN JOCARD / AFP

Tout commence le 10 novembre. Face à plus de 200 musulmans qui prient à l’extérieur, devant la mairie de Clichy, le maire et une cinquantaine d’élus de toute l’Ile-de-France, dont Valérie Pécresse, présidente de la région, sont massés sur les marches du bâtiment et chantent la Marseillaise à tue-tête. Devant eux, une banderole : « Stop aux prières de rue ».

Une « question » presque aussi vieille que le Déluge

La question des « prières de rue » a donc fait le tour, en boucle, des plateaux télé et radio, servant par-là même à Muzeau pour faire une petite tournée promotionnelle ainsi qu’à Manuel Valls, ancien Premier ministre et pas encore En Marche, à se tailler une part d’audience en dissertant sur la laïcité et ses valeurs menacées. Ce n’est pas la première fois non plus que la question des « prières de rue » suscite autant de polémique et qu’elle se retrouve montée en épingle. Les premiers reportages sur le « problème » remontent au milieu des années 1980, à Marseille, notamment, au moment de la première montée électorale de l’extrême droite.

Procession mariale oui, prière musulmane non

La prière de rue musulmane est avant tout un problème chez ceux qui le plus souvent tolèrent les pèlerinages et les processions catholiques pendant le reste de l’année. La polémique actuelle s’inscrit également dans le cadre de l’offensive en règle contre les « islamo-gauchistes » de Mediapart et leur rédac’ chef, Edwy Plenel, quasiment accusé de complicité avec Tariq Ramadan.

Intox

Et puis il y a une succession de demi-vérités ou de mensonges solidement construits, relayés par les médias : à Clichy, les prières étaient interdites et illégales (ce qui est faux) ; elles étaient quotidiennes (elles n’ont eu lieu que le vendredi, jour, précisément, de prière, pour les musulmans) ; l’imam aurait appelé au meurtre des chrétiens (archi-faux) ; des tracts appelant à l’assassinat des juifs auraient été distribués (des tracts relayant des propos antisémites ont été distribués à la barbe de la police… mais par un activiste anti-Islam) ; les musulmans clichois auraient refusé un terrain municipal (ce qui est faux, également, puisque le maire n’en a jamais proposé).

Quand Muzeau flirtait avec les imams

Tout commence, en réalité, par plusieurs promesses clientélistes auxquelles se livre Rémi Muzeau en marge des élections municipales de 2014. A l’époque, il parvient à arracher Clichy aux socialistes, la ville étant l’un des derniers bastions de la gauche dans les Hauts-de-Seine. Muzeau réitère ces promesses en septembre 2015, en insistant sur le fait que « la construction d’une mosquée pour les musulmans clichois (…) est indispensable. Moi, Rémi Muzeau, j’atteste et je m’engage en tant que maire pour la construction d’un centre culturel et cultuel musulman ». Mais tout ceci était avant les attentats de novembre 2015, l’instauration de l’état d’urgence et la vague de racisme anti-musulman qui s’en est suivi.

Expulsion

En mars 2017, donc, à l’occasion de l’arrivée à échéance du bail d’une salle occupée tout à fait légalement par des fidèles musulmans, rue d’Estienne d’Ovres, le maire décide sa fermeture pure et simple et propose. En échange, le lieu qui est suggéré par la mairie est, selon l’Union des Associations Musulmanes Clichoises, à la fois trop exigu et trop excentré. Depuis, ce sont donc des prières qui se tiennent, devant la mairie, tous les vendredi, sans jamais été interdites par la préfecture.

Interdiction

Après le 10 novembre, il y a eu changement de ton. Gérard Collomb, interrogé au sujet de prières, a pris fait et cause pour Muzeau. La préfecture, aux ordres de l’Etat, a interdit, le 16, la prière du vendredi 17. Les médias ont fait le reste. L’UAMC, qui n’a pas maintenu son appel pour ce vendredi, a déclaré en avoir déposé un nouveau, pour le 24. Les esprits, depuis, s’échauffent plus que jamais.

Religiosité à deux vitesses

La situation, bien entendu, est absolument scandaleuse. En tant que rédaction d’un quotidien communiste révolutionnaire qui n’a pas pour habitude d’aller à la messe, au temple, à la synagogue ou à la mosquée, on ne peut que constater la différence de traitement par l’Etat, par ses institutions et ses relais, vis-à-vis des différentes pratiques religieuses. Dans le contexte actuel, le caractère islamophobe de la polémique, qui fait le jeu des courants islamistes réactionnaires et obscurantistes, s’exerce bien entendu contre l’ensemble de la communauté arabo-musulmane ou désignée comme telle et contre celles et ceux qui, de confession musulmane, souhaitent prier le vendredi, à Clichy, dans des conditions correctes.

Un maire bien encadré par l’extrême droite

Du côté du maire, en revanche, c’est une ribambelle de bons réacs qui le soutiennent. Le FHaine s’est bien entendu emparé de la question des « prières de rue » au quart de tour. Mais sur les marches de la mairie, le 10 novembre, Rémi Muzeau était également excellemment entouré. On pouvait ainsi voir, à ses côtés, Audrey Guibert, conseillère régionale lepéniste de l’Ile-de-France, Laurent Salles, conseiller municipal frontiste de Suresnes, venu en voisin ou encore Mathilde Androuet, responsable du FN dans les Yvelines. Avec une telle escorte, on sait où se trouvent les fachos.


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