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Faux-semblant

Emmanuel Macron n’est pas jeune !

« Le jeune Emmanuel Macron »...cette phrase s'immisce partout depuis déjà quelques mois, et toujours plus depuis que le candidat ultralibéral est devenu président de la République le 7 mai dernier. Une épidémie idéologique qui tient à la nécessité de se présenter sous un visage neuf pour se donner un peu d'oxygène en période de faible consensus social. Mais l'opération est risible, et il n'y a aucune raison de s'y laisser prendre.

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Emmanuel Macron n’est pas jeune. A 39 ans, il a déjà plus du double de l’âge des milliers de lycéens qui sont descendus dans la rue, se sont organisés au printemps dernier contre la loi dont il est l’instigateur et à laquelle Myriam El Khomri a donné son nom.

Emmanuel Macron n’est pas jeune. Il n’a que neuf ans de moins que l’espérance de vie en République Centrafricaine, où des véhicules comme celui sur lequel il paradait dimanche dernier sur les champs Elysées occupent le terrain depuis 2014 dans le cadre de l’opération Sangaris, qui a mobilisé jusqu’à deux mille militaires français pour défendre la mainmise politique et économique de l’ancienne métropole.

Pour ne mentionner qu’un deuxième aspect de la brutalité sur laquelle repose le capitalisme français, trente neuf ans c’est aussi à peine vingt ans de moins que l’espérance de vie en bonne santé d’un ouvrier, en France. Et Emmanuel Macron s’apprête à casser le code du travail par ordonnances, pour faire travailler plus, plus vite, sans les protections acquises de haute lutte par les salariés. Ce qui permet un rappel historique : en France en 1900, on vivait en moyenne quarante-cinq ans (six de plus que Macron), et nettement moins encore en ce qui concerne les travailleurs.

Emmanuel Macron n’est pas jeune. Son parcours est celui d’un gosse de riche qui a traversé comme des centaines d’autres les étapes de formation de l’élite politique, en profitant de la crise du régime politique pour brûler celles qui, autrefois, étaient indispensables à l’adoubement définitif (ancrage local, carrière partisane, mandats électifs, etc.).

L’histoire des exploités et des opprimés fait ressortir la vieillesse d’Emmanuel Macron, sans même avoir à préciser qu’elle s’est écrite contre les Macrons de chaque génération :

Gracchus Babeuf, révolutionnaire proto-socialiste, avait vingt-neuf ans en 1789

Leo Frankel, membre du la Première Internationale, avait vingt-sept ans quand il fut élu membre du Conseil de la Commune de Paris en 1871

Léon Trotsky, le dirigeant de l’opposition de gauche antistalinienne, quant à lui, fut élu président du soviet de Petrograd à vingt-six ans, en 1905

Inès Armand, militante communiste française, avait vingt-six ans lorsqu’elle prend la tête de l’association pour l’amélioration des conditions des femmes de Russie, et trente ans lorsqu’elle s’illustre dans la Révolution Russe de 1905.

Ian Valtin, l’auteur de Sans patrie ni frontière, avait treize ans lors du premier processus révolutionnaire auquel il prit part, en Allemagne en 1918, et dix-huit ans lors du second, en 1923, où il joua un rôle d’organisation, avant de dériver comme agent d’une internationale stalinisée

Ernesto Che Guevara avait vingt-huit ans qui il a débarqué à Cuba pour y lancer la guérilla, trente et un en 1959 quand celle-ci renverse la dictature de Batista

Patrice Lumumba devient Premier Ministre du Congo RDC indépendant à trente cinq ans, en 1960

Angela Davis a vingt-quatre ans quand elle entre à la section noire du PC américain, puis au mouvement des Black Panther Party en 1968, ce qui lui vaut d’être écartée à vingt-cinq ans de son poste à l’université de Los Angeles. Elle est alors recherchée par le FBI et mise en prison à vint-sept ans.

Michel Recanati avait dix-huit ans en 1968, où il représentait les milliers de lycéens regroupés dans les comités d’action, avant de prendre la tête du service d’ordre de la ligue communiste.

Et ce ne sont que quelques noms : quand le monopole de décision de la minorité dominante est brisé, quand la politique s’empare des masses, alors vraiment on y voit des jeunes, par centaines de milliers. Et les trente neuf ans d’un Emmanuel Macron apparaissent pour ce qu’ils sont, c’est à dire la morgue lisse et maquillée d’un vieux monde qui cherche à se rassurer en se répétant cent fois par jour que son nouveau porte parole n’est pas aussi ringard que lui. Macron, son fric et son bistouri, c’est la série Nip/Tuck à l’Elysée, et le cadavre du système qu’il est censé « rénover » pue toujours autant derrière son nouveau visage lifté.

Nicolas Sarkozy avait fait campagne en 2007 sur la nécessité d’en finir avec l’héritage de mai 1968. Sur le plan du régime politique, et des partis, c’est finalement Emmanuel Macron qui a atteint cet objectif, dix ans plus tard. Mais il n’y a que les professionnels de la politique post soixante-huitarde qui ont intérêt à réduire l’irruption révolutionnaire de 1968 à ce plan-là. La réalité est bien plus vaste, et plus prometteuse. Car face à l’option libérale et autoritaire incarnée par Emmanuel Macron, la nouvelle radicalité anticapitaliste que l’on a vu naître et se développer au printemps 2016 affleure et ne demande qu’à surgir. Macron n’est pas jeune. Il flippe de la jeunesse, et il a bien raison.

Photo : DR


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